La jeune noyée de la Seine
Premier roman plein de promesses, «Passage de l’Avenir, 1934» d’Alexandre Courban ressuscite le Paris militant des années 1930
Entre une thèse de doctorat et un polar, il peut n'y avoir qu'un pas. Un pas de géant, tout de même, que le Français Alexandre Courban, jeune quinquagénaire, exécute avec talent dans son premier roman, Passage de l’Avenir, 1934. Ce petit livre singulier se nourrit en effet largement de sa thèse, soutenue en 2005 et consacrée au journal L’Humanité entre 1904 à 1939. Précis et documenté, son roman respecte jusqu'à la façon de parler des ouvriers de l'époque. Il met en scène un ancien soldat de la Première Guerre mondiale possédant toujours son «mouchoir d'instruction militaire», «un large carré imprimé rappelant les différentes étapes du démontage et du remontage du fusil Lebel». Et l'on y apprend que c'était autrefois dans les villages de la Sarthe que l'assistance publique envoyait régulièrement les enfants abandonnés.
Journaliste et enquêteur
L'intrigue? Elle est somme toute assez simple, l'accent étant mis avant tout sur le quotidien des personnages et leur lutte pour faire valoir leurs droits. Tout naturellement, c'est à L’Humanité que travaille le journaliste Gabriel Funel. Parallèlement, mais indépendamment du commissaire Bornec, il mène l'enquête sur les causes de la mort d'une jeune femme repêchée dans la Seine le 10 février 1934. Accident ou meurtre? Le lecteur, non sans raison, penche pour la deuxième hypothèse.
Alors que l'extrême droite menace la République, c'est dans les travées laborieuses de la raffinerie de la Jamaïque, une raffinerie de sucre, que nous convie l'auteur. L'occasion d'évoquer une cynique spéculation sur cette marchandise de première nécessité et de nous offrir quelques très beaux portraits de femmes engagées et fortes, prêtes à tout pour faire cesser les dérives de contremaîtres abusifs.
Passage de l’Avenir, 1934 n'est que le premier volume d'une fresque historique et policière située dans le Paris du Front populaire que l'on attend avec curiosité. Mireille Descombes
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