«Il y a une attente de nos partenaires pour une position plus flexible sur la réexportation d’armes»
Le nouveau secrétaire d’Etat à la politique de sécurité, Markus Mäder, s’est rendu à Munich où il a notamment dû rappeler la position de la Suisse en tant que pays neutre. La première livraison de F-35 est toujours prévue pour 2027
En l’absence de la conseillère fédérale Viola Amherd, c’est son secrétaire d’Etat à la politique de sécurité au Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) qui a représenté la Suisse lors de la Conférence de Munich sur la sécurité où il faisait ses premiers pas à ce poste. Markus Mäder a précédemment été remplaçant du représentant militaire à la mission suisse auprès de l’OTAN à Bruxelles jusqu’en 2010. Il a par ailleurs commandé un bataillon de chars. Quelles sont les préoccupations des Européens en matière de sécurité à Munich?
C’était ma première participation. C’est très impressionnant. On assiste à un réveil de l’Europe pour prendre sa défense au sérieux. La guerre en Ukraine et ses conséquences pour l’ordre libéral fondé sur le droit international sont un défi à long terme. C’est devenu une guerre d’usure et économique. Il faut désormais assurer la cohésion des pays déterminés à défendre la Charte de l’ONU. On réalise les difficultés que cela représente. En même temps, on reste confiant dans la force des démocraties.
En a-t-on suffisamment pris conscience en Suisse? Nous sommes en train de le faire. Voyez par exemple le document complémentaire de 2022 au Rapport sur la politique de sécurité du Conseil fédéral qui prône le renforcement des capacités de défense et l’intensification de la coopération internationale.
Le ton des discussions à Munich est-il plutôt pessimiste ou optimiste? Difficile à dire. C’est subjectif. On se refuse au pessimisme tout en acceptant les défis. Il faut travailler pour les relever, il n’y a rien d’automatique.
L’an dernier, Viola Amherd avait dû répondre à beaucoup de questions sur la neutralité. Est-ce encore le cas? Les questions demeurent, mais le débat n’est plus aussi vif. Le fait que chaque pays a sa propre histoire, son propre système politique, est accepté. On comprend que la Suisse essaie à sa façon de soutenir les efforts communs pour la sécurité de l’Europe et de l’Ukraine avec la diplomatie, l’économie ou l’aide humanitaire et non avec des armes.
«Nous avons réussi à expliquer ce qu’on peut faire et quelles sont nos lignes rouges»
Y a-t-il encore des questions sur la réexportation d’armes? L’an dernier, aucun pays ne comprenait la position de la Suisse. Il y a toujours une attente de nos partenaires pour une position plus flexible sur cette question. Le parlement y travaille en ce moment.
Qu’en est-il des chars Leopard. L’Allemagne en demande-t-elle davantage? Ils sont très reconnaissants pour les 25 Leopard 2 que nous avons envoyés fin janvier. Cela s’est bien passé. Nous n’avons pas reçu d’autres demandes.
Y a-t-il une demande pour plus de coopération de la Suisse avec l’OTAN? Cela n’a pas été discuté ici. Dans ce domaine, nous sommes très optimistes. Il y a désormais le programme de partenariat individualisé (ITPP, selon l’acronyme anglais) avec l’OTAN. Le cadre institutionnel reste le même mais nous voulons utiliser notre marge de manoeuvre pour davantage d’activités communes.
Il y aura plus d’exercices communs? Il y a depuis de nombreuses années des exercices communs. Ces dernières années, il y avait entre six à dix participations par an avec les forces aériennes, dans le domaine de la cyberdéfense ou avec des officiers d’état-major. Se pose à présent la question de la participation à des scénarios tombant sous l’article 5. On a déjà la possibilité d’envoyer des observateurs. Veut-on et peut-on y participer davantage? Il n’y a aucun automatisme. C’est l’OTAN qui décide des partenaires. Mais nous avons reçu des signaux positifs.
Et c’est ce que veut la Suisse? C’est une question politique. Le Conseil fédéral dans son document complémentaire nous a donné mandat d’examiner cette
question. C’est en cours.
Mais le peut-on? Des pays européens sont réticents à accueillir la Suisse neutre. Cela se décidera au cas par cas, entre les deux parties.
Avez-vous eu des contacts avec des officiels des Etats-Unis, nombreux à Munich? Non, nous n’avons pas eu le temps. Mais notre relation bilatérale avec les Etats-Unis est excellente dans presque tous les domaines, y compris la défense.
Récemment, des informations font état de retard dans la production des F-35. Pouvez-vous confirmer que la Suisse recevra ses premiers F-35 en 2027? C’est l’objectif. Selon les informations reçues des Américains, il n’y a pas de retard pour le programme suisse.
En France et en Allemagne s’exprime la crainte d’opérations russes de désinformation pour influencer les élections. Contrairement à l’UE, la Suisse n’a pas interdit les médias officiels russes. Y a-t-il des pressions pour s’aligner sur nos voisins? Nous coopérons avec nos partenaires régulièrement, y compris sur la question de la désinformation. La Suisse a pour politique de ne pas interdire de médias. Nous sommes d’avis que la désinformation se combat mieux par la liberté d’information avec des faits et des médias qui font leur travail plutôt que par l’interdiction. Dans mes entretiens, je n’ai senti aucune pression de nos partenaires sur cette question.
Avez-vous évoqué avec vos collègues autrichiens l’évolution du débat sur la neutralité?
Nous sommes tous deux partenaires de l’OTAN. Il y a des échanges bilatéraux entre nos forces armées. Mais leur situation est différente car ils sont membres de l’UE.
La Suisse est-elle jugée suffisamment solidaire en matière de défense collective du continent? Cette question est à poser aux Européens. Selon ma perception, nous avons réussi à expliquer ce qu’on peut faire et quelles sont nos lignes rouges en lien avec notre neutralité. Et même si nos partenaires insistent sur notre soutien, ils comprennent aussi notre position.
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