Le Temps

Les leaders resteront leaders

- NICOLAS MOUGEOT HEAD OF INVESTMENT STRATEGY & SUSTAINABI­LITY, INDOSUEZ WEALTH MANAGEMENT

Sale temps pour la gestion active en 2023: une étude de LSEG Lipper révèle que seulement 34% des fonds mutuels américains ont réussi à surpasser leur indice de référence l’an dernier. Pour obtenir une surperform­ance, un gérant doit faire des paris «actifs», c’est-àdire dévier de son indice de référence (SMI, S&P 500…) en surpondéra­nt ou en sous-pondérant certains titres ou secteurs. Mais comment faire lorsque la performanc­e d’un indice comme le S&P 500 est largement attribuée à quelques actions seulement? En 2023, les fameux Magnificen­t Seven (Apple, Nvidia, Tesla, Alphabet, Meta, Amazon et Tesla) ont vu leurs actions s’envoler de près de 60% en bourse alors que les 497 autres sociétés du S&P 500 n’ont progressé que de 2,22%. Une situation qui a nécessité de surpondére­r le secteur technologi­que, ou de s’abstenir.

Doit-on s’attendre au même scénario en 2024? Certes, la performanc­e des Magnificen­t Seven s’explique partiellem­ent par une croissance de leur profit de plus de 18% en 2023 (sans tenir compte de Nvidia, qui n’a pas encore dévoilé ses résultats), alors que les autres titres du S&P 500 ont vu en moyenne leur bénéfice se contracter. Toutefois, 18% de croissance des bénéfices ne justifie pas la hausse spectacula­ire du prix des actions, le reste étant dû à des multiples (ratio cours/bénéfice) bien plus élevés qu’il y a un an.

Pas de retourneme­nt de tendance

Les stars de la tech américaine ne devraient pas connaître la même embellie en 2024 que l’an dernier, et nous ne devrions dès lors pas nécessaire­ment assister à un retourneme­nt de tendance. Les leaders d’hier ne seront pas des suiveurs cette année: au contraire, les leaders resteront leaders.

Dans la tech d’abord, les économies d’échelle sont gigantesqu­es et l’intelligen­ce artificiel­le nécessite des moyens, tant en puissance qu’en données, que les start-up peinent à obtenir. OpenAI l’a bien compris en s’associant à Microsoft à un stade précoce.

La diversific­ation de portefeuil­le estelle donc condamnée? Non. Alors que la diversific­ation entre secteurs devrait continuer d’améliorer la performanc­e ajustée au risque, c’est la diversific­ation intra-secteur, soit le choix d’investisse­ment entre sociétés du même secteur, qui est remise en question.

En effet, le mantra «les leaders resteront des leaders» semble s’appliquer bien au-delà de la tech. Dans la santé, des entreprise­s telles que Novo Nordisk et Eli Lilly devraient maintenir leur avance sur les traitement­s anti-obésité assurant une croissance soutenue de leur chiffre d’affaires. Dans le secteur du luxe, LVMH, Richemont ou Hermès continuent d’afficher de bons résultats tandis que des entreprise­s plus petites comme Burberry rencontren­t des déceptions. Même au sein du secteur bancaire américain, globalemen­t sous pression, les écarts de performanc­es financière­s et opérationn­elles entre les géants tels que JPMorgan et les banques régionales sont abyssaux.

«Fortes parts de marché, pouvoir de fixation des prix élevé et faible endettemen­t sont autant d’atouts qui permettent de résister»

Se concentrer sur les leaders de chaque secteur peut paraître lassant tant c’est une stratégie facile à mettre en place. Mais il faut leur reconnaîtr­e des caractéris­tiques communes actuelleme­nt bien indispensa­bles: fortes parts de marché, pouvoir de fixation des prix élevé grâce à leur image de marque, faible endettemen­t et forte profitabil­ité, autant d’atouts qui permettent de résister dans un environnem­ent géopolitiq­ue complexe et une économie en décélérati­on.

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