Le Temps

La gauche ne lâche rien face aux Abbayes

Le Grand Conseil devrait débattre aujourd’hui de la réponse du Conseil d’Etat à l’interpella­tion d’Oriane Sarrasin qui dénonçait le sexisme des Abbayes. Peu séduites par la riposte du gouverneme­nt, deux députées socialiste­s comptent déposer une déterminat

- RAPHAËL JOTTERAND @Raph_jott X

La députée socialiste Oriane Sarrasin aura dû se montrer patiente avant de pouvoir enfin débattre de la réponse du Conseil d’Etat à son interpella­tion: «Non ma fille, tu ne seras pas roi. L’école obligatoir­e peutelle être impliquée dans des événements sexistes?». Publiée cet été, la réplique du gouverneme­nt devrait normalemen­t être débattue demain au Grand Conseil avec de nouvelles ripostes de la gauche. Pour rappel, cet objet questionna­nt la participat­ion des écoles aux cortèges d’Abbayes avait fait grand bruit en début de législatur­e. La députée vaudoise avait même porté plainte après avoir reçu de nombreux messages haineux ou menaçants.

Malgré ces diverses attaques, Oriane Sarrasin ne compte pas lâcher l’affaire et s’interroge sur la pertinence de la réponse du Conseil d’Etat. Ce dernier estime que ce n’est pas problémati­que que des établissem­ents scolaires s’associent aux Abbayes, car ce sont des manifestat­ions ponctuelle­s qui s’inscrivent dans un patrimoine historique: «Il ne s’agit pas d’interdire la participat­ion des élèves à l’ensemble des activités ou événements liés à la culture et aux traditions dès lors que certains éléments s’éloignent de l’objectif égalitaire de l’école.» De plus, l’exécutif cantonal encourage le corps professora­l à «outiller les élèves pour développer leur regard critique», rappelant que «les enseignant­s et enseignant­es ont la mission d’offrir aux élèves une lecture réfléchie et avisée de leur environnem­ent, en vue de repérer les éléments en contradict­ion avec les valeurs prônées par l’école, notamment la lutte contre les discrimina­tions.»

Réponse incohérent­e

Pourtant, selon l’élue socialiste, ces fêtes de tir ne sont pas compatible­s avec la loi sur l’enseigneme­nt obligatoir­e (LEO) qui demande à ce que «l’école veille à l’égalité entre filles et garçons». En outre, Oriane Sarrasin trouve que la réponse du Conseil d’Etat ne colle pas aux dernières mesures prises par le chef de l’enseigneme­nt, Frédéric Borloz, qui avait fait interdire les débats contradict­oires à l’école lors des dernières élections fédérales. «D’un côté, on nous explique que l’école doit apprendre aux élèves à être critiques sur des questions de société, et d’un autre, on nous dit qu’ils ne doivent pas assister à des débats à l’école. Le Conseil d’Etat est à géométrie variable sur ce sujet et j’ai besoin d’obtenir plus de clarté.»

«Très déçues» également par la réponse du Conseil d’Etat à l’interpella­tion de leur consoeur Oriane Sarrasin, deux autres députées, Muriel Thalmann et Aude Billard, ont prévu de déposer mardi une déterminat­ion sous la forme d’un souhait. «Le Grand Conseil invite le Conseil d’Etat à approcher les communes pour les inciter à découpler temporelle­ment les fêtes scolaires de tout événement qui ne respecte pas les valeurs d’égalité prônées par le canton.» Ce voeu est bref mais essentiel, selon Muriel Thalmann, qui estime que justifier n’importe quel acte par les traditions n’a plus de sens. «Si tout le monde pensait ainsi, les femmes n’auraient toujours pas le droit de vote, les hommes seraient seuls au parlement et on ne pourrait pas exercer le métier de notre choix.»

Avec cette déterminat­ion, les deux députées socialiste­s espèrent «conscienti­ser les communes sur les valeurs d’égalité prônées par l’école» et leur permettre «de se remettre en question». «Je me suis rendu compte que certains parents ne savaient pas où ils posaient les pieds quand ils ont emmené leur enfant pour le défilé. Quand ils s’aperçoiven­t que c’est une fête de tir, où les femmes n’ont pas le droit de tirer, certains en ressortent choqués et déplorent le fait que leur enfant soit obligé d’y participer», rapporte Muriel Thalmann. Voilà qui devrait encore faire jaser dans les campagnes. ■

«Si tout le monde pensait ainsi, les femmes n’auraient toujours pas le droit de vote»

MURIEL THALMANN, DÉPUTÉE PS AU GRAND CONSEIL VAUDOIS

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