Le PLR coule la taxe au tonnage
Alors que le Parti libéral-radical a toujours soutenu la réforme fiscale touchant le secteur, ses sénateurs ont fait défaut à la Commission de l’économie
«Chaque réforme bénéficie d'une fenêtre favorable. Celle de la taxe au tonnage s'est refermée.» Peut-on être plus explicite que le président de la puissante Commission de l'économie et des redevances (CER) du Conseil des Etats, à la sortie de l'ultime réunion avant la session de printemps, qui commence le 26 février? Hans Wicki, tenu par le secret des délibérations, ne peut s'exprimer plus avant, mais les mots de l'élu PLR de Nidwald ne laissent pas de place au doute: la réforme fiscale touchant au secteur du transport maritime ne trouvera pas de majorité, le 14 mars prochain, devant le Conseil des Etats. La CER, composée de poids lourds du parlement, n'est pas une commission à laquelle on désobéit à la légère. Par sept voix contre quatre, et deux abstentions, elle a voté la non-entrée en matière sur cet objet.
Selon toute vraisemblance, les votes des quatre élus PLR ont été déterminants, eux dont le parti avait jusqu'alors soutenu le texte, avec le reste de la droite et Le Centre. Opposée, la gauche avait brandi la menace d'un référendum. Durant les débats au Conseil national, le Parti vert'libéral s'y était également opposé. La voix de sa sénatrice a certainement complété la majorité de la commission. Ce refus ne marque pas la fin du parcours parlementaire de cette réforme, puisqu'elle retrouvera le Conseil national où elle avait récolté une courte majorité fin 2022. Mais cela ne sera pas avant cet été, voire cet automne. La perspective d'être imposée sur la base du volume de fret d'un bateau plutôt que sur le bénéfice s'éloigne donc pour l'industrie navale suisse.
Impact fiscal brumeux
Au sein de l'Union européenne, 21 pays appliquent pourtant déjà cette taxe. Pour ses soutiens, dont fait partie le Conseil fédéral, cette réforme serait un moyen de conserver la compétitivité de la place économique helvétique.
Les doutes des sénateurs ne sont pas nouveaux. Il y a un an, ils avaient demandé à l'administration fédérale des compléments d'information afin de clarifier la constitutionnalité de la mesure, les exigences en matière de pavillon, la distinction entre navigation et commerce de matières premières et surtout ses conséquences sur les recettes fiscales. Les réponses ne les ont apparemment pas satisfaits. L'impact fiscal de ce changement reste brumeux. «Le risque de perte de recettes est trop élevé au vu de la situation financière tendue de la Confédération», dit le communiqué. «Faute de données statistiques, il n'est pas possible d'estimer de manière fiable les
La perspective d’un impôt sur la base du volume de fret d’un bateau plutôt que sur le bénéfice s’éloigne
conséquences financières liées à l'introduction d'une taxe au tonnage», soulignait d'ailleurs le message du Conseil fédéral.
Le souhait de la commission est que cette question soit intégrée dans une stratégie fiscale globale et non qu'elle fasse l'objet d'un traitement spécifique.
Au moment où la ministre PLR des Finances, Karin Keller-Sutter, demande des coupes linéaires de 1,4% dans le budget de la Confédération, les représentants de son parti auraient beaucoup à perdre en soutenant une réforme qui accorde un privilège à un secteur économique qui se porte particulièrement bien. Genève est le siège du géant mondial du fret, MSC. En l'absence de leur publication officielle, plusieurs médias ont estimé ses bénéfices 2023 à 31 milliards de francs. Ce projet de taxe est d'ailleurs surnommé «Lex MSC» par ses détracteurs.
D’un système de malus à un système de bonus
En Suisse, une soixantaine de sociétés sont concernées. Elles sont principalement implantées à Genève et dans les cantons de Vaud et du Tessin. Les mécontents, en cas de refus final, devraient donc y être circonscrits.
Durant les débats, la volonté de la gauche de lier cette taxe à un progrès environnemental pour ce secteur très polluant n'a pas rencontré d'écho favorable. Au contraire: un système de malus prévu pour les tankers les plus sales s'est transformé en bonus pour ceux qui polluent moins, rendant les recettes pour la Confédération toujours plus maigres au fur et à mesure de l'assainissement de la flotte de 900 navires détenus par les firmes basées en Suisse.
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