«Le Successeur», mon père, ce salaud
Sept ans après «Jusqu’à la garde», Xavier Legrand revient avec un nouveau drame familial porté par un personnage avec lequel on peine à s’identifier
Des mannequins défilent dans un décor blanc immaculé, au milieu d’un public installé en spirale. On les suit de face et de dos à travers des travellings lestes. «Yann-Olivier serait tellement fier de toi», glisse en coulisses une femme à Elias Barnes. Le jeune créateur a repris la maison de haute couture de son mentor et présente sa première collection. Le voici qui sort de l’ombre, court comme gêné au milieu des spectatrices et spectateurs qui l’acclament. Il est officiellement adoubé comme Le Successeur, du titre du deuxième long métrage de Xavier Legrand après l’acclamé Jusqu’à la garde (2017) – une quinzaine de prix en festivals dont un Lion d’argent à Venise, ainsi que cinq César dont celui du meilleur film.
Un sordide secret
D’une efficacité esthétique et narrative redoutable, les premières minutes du Successeur posent parfaitement le cadre d’un long métrage qui parlera d’héritage et des fantômes du passé… mais hors du milieu de la mode. Car très vite, le récit bascule: Ellias apprend que son père, avec qui il n’a plus de contacts depuis des années, est brutalement décédé d’un infarctus. Lui aussi pense avoir des problèmes cardiaques, ou ne serait-ce qu’un effet de son stress et de ses angoisses chroniques? Forcé de quitter Paris afin de régler la succession de ce père qu’il ne connaissait plus vraiment, il retrouve le Québec, d’où il est originaire. Et le récit de basculer à nouveau: derrière une porte solidement verrouillée, cachée par une armoire à vin, il découvre un sordide secret…
Dans Jusqu’à la garde, Xavier Legrand abordait le thème grave des violences conjugales de manière frénétique et parfois démonstrative, privilégiant l’effet coup de poing au plus convenu film à thèse. De la même manière, il préfère dans Le Successeur littéralement enfoncer des portes plutôt que de suggérer les choses. Et hélas, on peine à le suivre malgré une mise en scène totalement maîtrisée. Le problème? Une décision d’Ellias qui semble illogique et va le précipiter sur une pente glissante; efficient en termes de narration, mais trop peu crédible dans le contexte de l’histoire pour qu’on puisse y adhérer. Si le personnage est intéressant (le choc de sa découverte va instantanément lui faire retrouver son accent québécois), le film se délite alors peu à peu pour laisser une impression d’inachevé. ■
Le Successeur, de Xavier Legrand (France, Canada, 2023), avec Marc-André Grondin, Yves Jacques, Anne-Elisabeth Bossé, 1h52.
D’une efficacité esthétique et narrative redoutable, les premières minutes posent parfaitement le cadre