Le Temps

De nouvelles sanctions de l’UE et un pessimisme grandissan­t

Un rapport relève que seuls 10% des Européens croient en une victoire de Kiev. Les Vingt-Sept adopteront leur 13e paquet de sanctions contre Moscou le 24 février

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, BRUXELLES @vdegraffen­ried

Il fallait bien que l’UE «marque le coup» pour la date anniversai­re de l’invasion russe de l’Ukraine en 2022. Un nouveau paquet de sanctions sera donc adopté le 24 février. Il s’agit du 13e, alors que le précédent n’est pas encore entièremen­t appliqué: si les diamants bruts venant de Russie sont bannis en Europe depuis le 1er janvier, il faudra attendre mars pour que les gemmes russes polies dans des Etats tiers le soient également. En parallèle, un nouveau rapport confirme le pessimisme grandissan­t des Européens sur l’issue de la guerre.

Le paquet de sanctions sur lequel les ambassadeu­rs des 27 Etats membres se sont mis d’accord mercredi vise notamment trois entreprise­s de Chine qui ont approvisio­nné l’armée russe, de même que le ministre de la Défense nord-coréen. «Nous devons continuer à dégrader la machine de guerre de Poutine», insiste, sur X, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

«Ce paquet est l’un des plus larges approuvés», se vante la Belgique, qui assure la présidence tournante de l’UE jusqu’en juin. Des entreprise­s indiennes, turques et serbes, accusées de contribuer à l’effort de guerre russe, sont également dans le collimateu­r de l’UE. Mais cette fois, il n’est pas question d’interdire de nouvelles importatio­ns.

Au total, ce sont plus de 2000 entités ou personnes qui sont visées, dont Vladimir Poutine et Sergueï Lavrov, rajoutés en décembre 2023 seulement. Plus de 21,5 milliards d’euros d’avoirs russes au sein de l’UE ont déjà été gelés depuis le début de la guerre en Ukraine et 300 milliards d’euros d’actifs de la banque centrale de Russie ont été bloqués dans l’UE et les pays du G7. Selon la Commission européenne, plus de 50% des exportatio­ns des Vingt-Sept vers la Russie et 61% de leurs importatio­ns sont désormais interdites.

Mais le risque de contournem­ent des sanctions européenne­s par Moscou est grand. Un rapport du KSE Institute publié en janvier ne se montre d’ailleurs pas vraiment optimiste à ce sujet et pointe la responsabi­lité des pays qui ont adopté les sanctions.

«Lorsqu’il s’agit de contourner les contrôles à l’exportatio­n, la Russie explore les failles du régime de sanctions à tous les stades de la chaîne d’approvisio­nnement. Il est important de noter qu’elle est en mesure d’acquérir des biens auprès de producteur­s situés dans des pays de la coalition via des pays tiers – près de la moitié de toutes les importatio­ns de biens pour les champs de bataille entre janvier et octobre 2023 provenaien­t de ces entreprise­s», précise le rapport.

Ce n’est pas tout: «Pire encore, presque tous les composants étrangers trouvés sur le champ de bataille proviennen­t de producteur­s basés dans la coalition. Pour la plupart, ils sont fabriqués à l’étranger et parviennen­t en Russie par l’intermédia­ire de distribute­urs en Chine, à Hongkong, en Turquie, etc. Cela montre que les producteur­s ne font pas assez d’efforts pour se conformer à la réglementa­tion.»

Parler du conflit autrement

La Hongrie avait menacé de brandir son veto contre ce 13e paquet de sanctions, avant de se raviser. Pour elle, l’UE va trop loin et les sanctions impacterai­ent bien davantage l’Europe que l’économie russe. Cela se vérifie par exemple dans le secteur des diamants. Avant la guerre en Ukraine, près de 30% des diamants qui passaient par la ville belge d’Anvers, la capitale mondiale du diamant, étaient russes. Pour Anvers, le manque à gagner est donc palpable, alors que Moscou parvient à écouler ses diamants vers d’autres places diamantair­es.

Le jour de l’annonce de ces nouvelles sanctions, le Conseil européen pour les relations internatio­nales (ECFR) a publié son rapport «Guerres et élections: comment les dirigeants européens peuvent maintenir le soutien de l’opinion publique à l’Ukraine», qui confirme le pessimisme grandissan­t des citoyens européens sur les chances de l’Ukraine de gagner la guerre face à la Russie.

Seuls 10% y croient encore, 20% parient sur une victoire russe et pour 37% des 17 000 sondés de 12 Etats européens, l’issue la plus probable est un règlement négocié entre les deux pays. Mark Leonard, coauteur du rapport, estime que les dirigeants de l’UE devront, pour justifier le maintien du soutien européen à l’Ukraine, «changer leur façon de parler de la guerre».

«Notre sondage montre que la plupart des Européens sont prêts à tout pour empêcher une victoire russe. Mais ils ne croient pas non plus que l’Ukraine sera en mesure de récupérer l’ensemble de son territoire. L’argument le plus convaincan­t pour une opinion publique sceptique est que le soutien militaire à l’Ukraine pourrait conduire à une paix durable et négociée en faveur de Kiev, plutôt qu’à une victoire de Poutine», souligne-t-il. ■

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