Tous égaux face à l’impôt: il y a loin de la coupe aux lèvres
Il faut en finir avec la «pénalisation fiscale du mariage», a martelé Karin Keller-Sutter hierà Berne en présentant son projet d’imposition individuelle qui ambitionne de contrer l’initiative lancée par les femmes PLR sur le même sujet
«Ces vingt dernières années, il n’a pas été possible de réduire l’inégalité de l’imposition des couples mariés», a relevé Karin Keller-Sutter hier en conférence de presse. Le projet de loi présenté par le Conseil fédéral sur l’imposition individuelle corrige l’actuelle «pénalisation du mariage» face à l’impôt. Le parlement doit désormais se pencher sur la question qui vise deux objectifs: imposer les contribuables individuellement, quel que soit leur état civil, et ainsi encourager les deux conjoints à travailler, en particulier les femmes.
Ce texte représente également la réponse du gouvernement à l’initiative pour des impôts équitables lancée par les femmes PLR. Un contre-projet indirect qui «permettra d’atteindre le même objectif que l’initiative, mais plus rapidement», selon la ministre des Finances. Une rapidité toute relative. Comme la réforme concerne autant les communes que les cantons et la Confédération, une phase de transition de dix ans est prévue.
Dix ans, c’est trop long
Pour la conseillère nationale Jacqueline de Quattro (PLR/VD), «même si le projet du Conseil fédéral représente un pas dans la bonne direction, dix ans pour la mise en oeuvre de la loi, c’est beaucoup trop long. Nous n’allons pas accepter de continuer à pénaliser le mariage pour une simple question de technique financière». Les initiantes ont donc décidé de ne pas retirer leur initiative pour l’instant, «histoire de maintenir la pression», note encore la Vaudoise. Car au parlement, le projet pourrait subir des modifications. «Nous voulons plus de justice fiscale pour les familles et les femmes. Alors, nous maintiendrons notre initiative jusqu’à la fin des débats parlementaires.»
Si Karin Keller-Sutter et les initiantes sont d’accord sur le principe de l’imposition individuelle, les avis divergent sur les détails. Ainsi, le projet de loi prévoit notamment que la déduction pour enfants passe de 6700 francs à 12 000 francs, pour l’impôt fédéral direct. Les initiantes regrettent ce point et estiment qu’un «barème familial permettrait de mieux tenir compte de la capacité contributive individuelle. Nous nous engagerons pour que ce point soit discuté lors des débats parlementaires.»
Un milliard en moins dans les caisses
Passer du système d’imposition actuelle des couples mariés à l’impôt individuel aura des conséquences sur les finances des cantons et de la Confédération. Le gouvernement estime la diminution des recettes de l’impôt fédéral direct à 1 milliard de francs par an. «Ce manque à gagner sera compensé par la Confédération à hauteur de 800 millions et par les cantons à raison de 200 millions», a souligné Karin Keller-Sutter.
Pour les initiantes, une telle affirmation est trompeuse parce qu’elle ne tient pas compte «des effets sur le revenu. Avec l’introduction de l’imposition individuelle, il faut s’attendre à une augmentation du nombre de parents exerçant une activité professionnelle et donc à une hausse des recettes fiscales. Celles-ci doivent être prises en compte dans le calcul afin de ne pas fausser l’image des prévisions.»
Le parlement a désormais un an – jusqu’au 8 mars 2025 – pour accepter ou rejeter l’initiative des femmes PLR. Un délai qui pourrait encore être prolongé d’un an s’il entre en matière sur le texte du gouvernement. D’ici là, les débats au parlement seront scrutés avec beaucoup d’attention par les initiantes. ■