Ruag, la nouvelle épine dans le pied de Viola Amherd
L’audit du Contrôle fédéral des finances dénonçant la mauvaise gestion d’une vente de chars Leopard représente une déconvenue de plus pour la patronne du Département de la défense
XRififi chez Ruag. Mardi soir, le Contrôle fédéral des finances (CFF) publiait un rapport extrêmement critique concernant la vente de 25 chars de combat de type Leopard 1, stockés en Italie, à Global Logistics Support (GLS), une entreprise allemande. Le lendemain, Nicolas Perrin, président de la société en mains étatiques active dans l’armement et l’aéronautique, rendait son tablier. L’épisode s’ajoute à une longue liste de couacs pour le Département fédéral de la défense (DDPS), dont la gestion par Viola Amherd (Le Centre) suscite de plus en plus de critiques.
C’est une histoire complexe. En 2016, Ruag Holding achète 96 Leopard en Italie, qu’elle entrepose sur place. Sept ans plus tard, début 2023, Rheinmetall, une entreprise allemande, s’en porte acquéreuse, tout en précisant qu’ils seront livrés à l’Ukraine.
Un contrat de vente est signé, incluant une réserve: la livraison ne pourra avoir lieu qu’avec l’accord du Conseil fédéral. Mais il ne la donnera pas. Là n’est cependant pas le problème principal du dossier, entaché de «lacunes formelles», dit le contrôleur. Ruag «n’a pas respecté les réglementations des compétences et des droits de signature» concernant la vente des Leopard. L’approbation
d’une modification du contrat de location de l’entrepôt des tanks (coûtant soudainement le triple) demeure par ailleurs inexpliquée. Et l’approbation nécessaire de la direction et du conseil d’administration de Ruag n’a pas toujours été respectée. Pis, «le Département fédéral de la défense n’a connaissance de l’existence de chars en Italie que depuis le 19 janvier 2023». Le document met en lumière la mauvaise gestion de l’étage du dessus, estiment désormais nombre de parlementaires.
Améliorer la communication
«Viola Amherd attend toujours trop longtemps pour agir, estime Thomas Hurter (UDC/SH), membre de la commission de politique de sécurité du Conseil national (CPS). Ce rapport indique que le DDPS n’est pas assez présent. Ruag n’est vraiment pas bien guidé. L’entreprise prend donc les choses entre ses mains, et voilà ce que ça donne. J’attends désormais que des lignes claires soient définies. Et que Madame Amherd soit plus présente sur le devant de la scène.» La gauche n’est pas moins acerbe: «C’est un couac de plus dans le château de cartes qui entoure Viola Amherd, estime son homologue de la CPS Pierre-Alain Fridez (PS/JU). Il y a des problèmes aux services de renseignement (SRC), dans les finances de l’armée, maintenant à Ruag et, face à l’adversité, il semble que la cheffe de département attende que la tempête passe. Je constate que le contrôle des affaires courantes présente des failles.»
Moins acide, Jacqueline de Quattro (PLR/VD) estime que concernant Ruag «cela commence à bien faire». Mais la conseillère nationale ne charge pas pour autant Viola Amherd, qu’il est selon elle «trop facile d’attaquer sur tous les dossiers». «Il y a toutefois de réels efforts à faire en termes de communication, de la part des fonctionnaires du DDPS comme de la cheffe de département», estimet-elle. Une remarque à laquelle adhère même le conseiller aux Etats Charles Juillard (Le Centre/ JU): «On ne peut pas nier que le partage de l’information peut être amélioré», concède-t-il. Toutefois s’il reconnaît que sa conseillère fédérale «est dans une tempête», le sénateur juge qu’elle «fait en sorte que la sécurité du pays soit assurée dans une situation internationale difficile». Concernant le départ de Ruag de Nicolas Perrin, «il a luimême tiré les conséquences de ce qui n’a pas fonctionné», dit-il. Quant aux autres affaires, notamment les soubresauts du SRC, dont l’ancien directeur Jean-Philippe Gaudin a été écarté par la conseillère fédérale centriste, «les changements d’organisation suscitent toujours des mécontentements», tranche le Jurassien. Concernant Viola Amherd, en ce début d’année présidentielle, ils commencent sérieusement à s’empiler.
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«Je constate que le contrôle des affaires courantes présente des failles» PIERRE-ALAIN FRIDEZ, CONSEILLER NATIONAL (PS/JU)