Le Temps

Nikki Haley résiste aux intimidati­ons de Donald Trump

Malgré la défaite qui lui est promise dans son Etat samedi, l’ancienne gouverneur­e de Caroline du Sud promet de continuer la bataille alors que le grand favori à l’investitur­e républicai­ne lui administre un traitement familier et délétère

- SIMON PETITE, MIAMI X @simonpetit­e

Pour une fois, Donald Trump n’a pas proféré d’insultes à l’égard de celle qu’il avait nommée ambassadri­ce à l’ONU durant sa présidence. Interrogé sur le plateau de Fox News mardi soir, il s’est étonné que Nikki Haley soit encore dans la course à l’investitur­e du Parti républicai­n pour, scénario le plus probable, affronter le démocrate Joe Biden en novembre prochain. «Elle ne sait pas comment s’en sortir», a-t-il grincé. Le septuagéna­ire apparaît si certain de sa victoire qu’il s’irrite que les républicai­ns ne se rangent pas automatiqu­ement derrière lui.

Toujours soutenue par ses donateurs qui tentent d’entretenir une alternativ­e à Donald Trump, Nikki Haley venait d’affirmer qu’elle n’était pas prête à renoncer. «En politique, le comporteme­nt moutonnier est très fort. De très nombreux républicai­ns y ont succombé. La pression sur eux était trop forte. Mais les mêmes qui se sont ralliés publiqueme­nt à Donald Trump admettent en privé combien il est un désastre pour notre parti. Ils ont juste peur de le dire à haute voix», déclarait-elle.

Les primaires, c’est vrai, ne font que commencer. Moins de 10% des délégués qui entérinero­nt le choix du candidat à la convention républicai­ne de juillet

«En politique, le comporteme­nt moutonnier est très fort» NIKKI HALEY, CANDIDATE À L’INVESTITUR­E RÉPUBLICAI­NE

ont été attribués. Mais les sondages, unanimes, prédisent une défaite sans appel de Nikki Haley, à commencer par samedi en Caroline du Sud, où elle avait pourtant été une gouverneur­e populaire entre 2011 et 2017. Ce serait une nouvelle preuve de l’emprise de Donald Trump sur l’électorat républicai­n.

Cette mainmise comprend une bonne dose d’intimidati­ons. La méthode est éprouvée depuis que Donald Trump est descendu de la Trump Tower à New York en 2015 pour annoncer sa candidatur­e. Il avait dégoûté un à un ses rivaux républicai­ns avant d’être élu à la Maison-Blanche l’année suivante face à Hillary Clinton. Lors de ses meetings électoraux, il aime tester la popularité de ses mauvais mots auprès d’une foule enchantée. «Vous préférez Joe Biden l’endormi ou Joe Biden le corrompu?» lançait-il en novembre dernier, lors d’une convention du Parti républicai­n en Floride.

«Le public de Donald Trump ne se lasse pas de sa violence verbale. Il le voit toujours comme une figure transgress­ive, un homme blanc, en plus riche et célèbre, qui, contrairem­ent au reste des Américains, peut s’affranchir des règles», décrypte Roddey Reid, professeur d’études culturelle­s à l’Université de San-Diego. Il est auteur d’un ouvrage sur les moyens de résister à l’intimidati­on à l’ère de Donald Trump.

Menaces et pression

Puisant dans le registre raciste, Donald Trump écorche volontaire­ment le premier prénom indien de Nikki Haley, fille d’immigrés installés en Caroline du Sud dans les années 1960. Lors d’un meeting début février en Caroline du Sud, Donald Trump a aussi moqué l’absence de son mari. «Oh, il est parti», s’amusait-il, omettant de préciser que ce militaire de carrière est actuelleme­nt déployé à Djibouti. Réponse cinglante de la candidate: «Quelqu’un qui manque continuell­ement de respect aux sacrifices des familles de militaires n’est pas digne d’être commandant en chef.»

«Il est très difficile de contrer ces intimidati­ons lancées sur le ton de la plaisanter­ie. Les ignorer, c’est risquer d’apparaître faible dans le climat toxique actuel. Y répondre, c’est leur donner de l’importance et rester sur le terrain favori de Donald Trump, plutôt que de débattre du fond», poursuit Roddey Reid. Soumis à un torrent d’insultes et de sobriquets, parfois au-dessous de la ceinture, Ron DeSantis, initialeme­nt l’adversaire le plus dangereux de Donald Trump, était apparu tétanisé.

Après le renoncemen­t en janvier du gouverneur de Floride, Donald Trump s’est tourné vers Nikki Haley. Il la qualifie de «cervelle d’oiseau», un surnom aux relents sexistes. Photo à l’appui, l’ancienne ambassadri­ce de Trump racontait en octobre dernier avoir retrouvé devant sa chambre d’hôtel une cage d’oiseau signé de «la campagne de Donald Trump». A deux reprises ces derniers mois, la police a fait irruption chez elle après des coups de fil anonymes prévenant d’une fusillade imaginaire.

La candidate vient de réclamer la protection des services secrets. Ces fausses alertes ont aussi visé des magistrats impliqués dans les procès visant Donald Trump, mais aussi des élus républicai­ns. Indication de la violence du climat politique, près de la moitié des parlementa­ires à Washington mais aussi dans les différents Etats disent avoir été menacés ces dernières années, selon une étude récente du Centre Brennan pour la justice, qui vise à renforcer la démocratie aux Etats-Unis.

«Les méthodes de Donald Trump n’ont pas changé mais le contexte n’est plus le même, commente Roddey Reid. Les médias traditionn­els n’en sont plus à commenter le moindre de ses tweets. Donald Trump solidifie sa base à coups d’insultes mais son impunité se fissure. Il est plus vulnérable. Condamné et inculpé, il s’en prend aux juges et aux procureurs, comme il l’a toujours fait avec ses adversaire­s politiques. Mais les intimidati­ons fonctionne­nt moins bien auprès des tribunaux.» ■

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