Neuchâtel empoigne le défi de la pénurie de soignants
Pour répondre au vieillissement de la population et à l’initiative sur les soins infirmiers, le canton doit former 1900 soignants et ouvrir 1200 places d’EMS dans la décennie à venir. Les investissements à réaliser seront importants
XLe vieillissement de la population n’est plus théorique, il est aujourd’hui une réalité sur laquelle a insisté hier matin Laurent Kurth, conseiller d’Etat neuchâtelois chargé du Département des finances et de la santé. Installé dans la salle de la chapelle du Château de Neuchâtel pour son avant-dernière conférence de presse en tant que ministre, le socialiste a présenté les solutions élaborées pour relever les défis qui attendent le canton en matière de relève dans les soins infirmiers, ainsi qu’en termes de prise en charge des aînés.
Le premier volet découle de l’initiative pour des soins infirmiers forts acceptée au niveau fédéral en 2021, et que tous les cantons doivent appliquer. «Dans un contexte où le nombre de départs dans ces professions est très important, la capacité de formation doit être augmentée, indique le ministre. Et surtout, il faut fidéliser le personnel.» Vincent Huguenin-Dumittan, chef du service cantonal de la santé publique, appuie son propos: «En Suisse, 36% des soignants âgés de 20 à 24 ans quittent leur emploi après quelques années. Il faut trouver le moyen de les attirer et de les garder, alors que les pénuries de personnel touchent nombre de secteurs.»
Pour répondre aux besoins, le canton de Neuchâtel prévoit de former 1100 infirmières et 800 assistants en santé et soins communautaires d’ici à 2032. «L’initiative ne concernait que la première catégorie, mais nous y avons ajouté la seconde qui permet de poursuivre ensuite sa formation», précise Laurent Kurth. Pour atteindre cet objectif, un crédit de 21 millions de francs sera soumis au Grand Conseil cet été.
Avec une population de plus de 65 ans en hausse de 35% à l’horizon 2050, et de pratiquement 100% pour les plus de 80 ans, Neuchâtel lie directement cette thématique à celle des besoins en EMS. «Une modernisation des infrastructures est absolument nécessaire pour répondre à des entrées en institutions plus tardives, mais aussi beaucoup plus complexes à prendre en charge», insiste le ministre.
Alors que le canton annonçait en 2012 vouloir supprimer 400 lits en EMS sur dix ans, il prévoit d’en créer 1200 nouveaux d’ici à 2035. Notamment pour en compenser plus de 500 qui ne répondent plus aux normes et ne pourront être adaptés. «Sur 53 établissements, une quinzaine de tailles moyennes vont ainsi devoir fermer», indique Timothée Hunkeler, chef de service adjoint.
Des projets d’extensions dans des EMS existants permettront de créer 300 lits. Pour les 900 autres, de nouvelles structures devront être créées. Coût total estimé: 434 millions de francs à la charge d’acteurs privés, l’Etat n’étant pas propriétaire des bâtiments. Ce dernier proposera toutefois des cautionnements pour faciliter l’accès à des prêts bancaires.
Pas de revirement politique
«Surtout, il faut fidéliser le personnel» LAURENT KURTH, CONSEILLER D’ETAT NEUCHÂTELOIS CHARGÉ DE LA SANTÉ
«Il ne s’agit pas d’un revirement de la politique cantonale des dernières années», insiste Laurent Kurth. Les lits fermés devaient l’être et nous savions que le vieillissement de la population impliquerait des réouvertures.» Créer l’équivalent d’un EMS de 60 lits chaque année durant quinze ans, cela lui semble-t-il réaliste? «Je ne me fais pas de souci pour trouver des promoteurs intéressés à construire des structures. Le défi principal, ce sera de trouver des exploitants, et ces derniers craignent de ne pas trouver suffisamment de personnel. On en revient à la nécessité de promouvoir la formation.»
Secrétaire générale de l’Association neuchâteloise des établissements et maisons pour personnes âgées, Fabienne Wyss Kubler montre sa satisfaction, alors qu’il y a deux ans les relations sur le sujet avec le canton étaient tendues: «Nous sommes heureux et soulagés qu’avec ce jalon, les EMS puissent aller de l’avant dans la modernisation et la construction des infrastructures. Sur le terrain, quand on vous dit de fermer et de rouvrir des lits, vous vous sentez forcément un peu ballottés. L’Anempa a toujours été au clair sur les objectifs du canton et sur leur bien-fondé, mais il est toujours plus positif pour des prestataires d’envisager des développements que des réductions. Le défi organisationnel et humain reste néanmoins entier.»
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