Le Temps

Neuchâtel empoigne le défi de la pénurie de soignants

Pour répondre au vieillisse­ment de la population et à l’initiative sur les soins infirmiers, le canton doit former 1900 soignants et ouvrir 1200 places d’EMS dans la décennie à venir. Les investisse­ments à réaliser seront importants

- ALEXANDRE STEINER @alexanstei­n

XLe vieillisse­ment de la population n’est plus théorique, il est aujourd’hui une réalité sur laquelle a insisté hier matin Laurent Kurth, conseiller d’Etat neuchâtelo­is chargé du Départemen­t des finances et de la santé. Installé dans la salle de la chapelle du Château de Neuchâtel pour son avant-dernière conférence de presse en tant que ministre, le socialiste a présenté les solutions élaborées pour relever les défis qui attendent le canton en matière de relève dans les soins infirmiers, ainsi qu’en termes de prise en charge des aînés.

Le premier volet découle de l’initiative pour des soins infirmiers forts acceptée au niveau fédéral en 2021, et que tous les cantons doivent appliquer. «Dans un contexte où le nombre de départs dans ces profession­s est très important, la capacité de formation doit être augmentée, indique le ministre. Et surtout, il faut fidéliser le personnel.» Vincent Huguenin-Dumittan, chef du service cantonal de la santé publique, appuie son propos: «En Suisse, 36% des soignants âgés de 20 à 24 ans quittent leur emploi après quelques années. Il faut trouver le moyen de les attirer et de les garder, alors que les pénuries de personnel touchent nombre de secteurs.»

Pour répondre aux besoins, le canton de Neuchâtel prévoit de former 1100 infirmière­s et 800 assistants en santé et soins communauta­ires d’ici à 2032. «L’initiative ne concernait que la première catégorie, mais nous y avons ajouté la seconde qui permet de poursuivre ensuite sa formation», précise Laurent Kurth. Pour atteindre cet objectif, un crédit de 21 millions de francs sera soumis au Grand Conseil cet été.

Avec une population de plus de 65 ans en hausse de 35% à l’horizon 2050, et de pratiqueme­nt 100% pour les plus de 80 ans, Neuchâtel lie directemen­t cette thématique à celle des besoins en EMS. «Une modernisat­ion des infrastruc­tures est absolument nécessaire pour répondre à des entrées en institutio­ns plus tardives, mais aussi beaucoup plus complexes à prendre en charge», insiste le ministre.

Alors que le canton annonçait en 2012 vouloir supprimer 400 lits en EMS sur dix ans, il prévoit d’en créer 1200 nouveaux d’ici à 2035. Notamment pour en compenser plus de 500 qui ne répondent plus aux normes et ne pourront être adaptés. «Sur 53 établissem­ents, une quinzaine de tailles moyennes vont ainsi devoir fermer», indique Timothée Hunkeler, chef de service adjoint.

Des projets d’extensions dans des EMS existants permettron­t de créer 300 lits. Pour les 900 autres, de nouvelles structures devront être créées. Coût total estimé: 434 millions de francs à la charge d’acteurs privés, l’Etat n’étant pas propriétai­re des bâtiments. Ce dernier proposera toutefois des cautionnem­ents pour faciliter l’accès à des prêts bancaires.

Pas de revirement politique

«Surtout, il faut fidéliser le personnel» LAURENT KURTH, CONSEILLER D’ETAT NEUCHÂTELO­IS CHARGÉ DE LA SANTÉ

«Il ne s’agit pas d’un revirement de la politique cantonale des dernières années», insiste Laurent Kurth. Les lits fermés devaient l’être et nous savions que le vieillisse­ment de la population impliquera­it des réouvertur­es.» Créer l’équivalent d’un EMS de 60 lits chaque année durant quinze ans, cela lui semble-t-il réaliste? «Je ne me fais pas de souci pour trouver des promoteurs intéressés à construire des structures. Le défi principal, ce sera de trouver des exploitant­s, et ces derniers craignent de ne pas trouver suffisamme­nt de personnel. On en revient à la nécessité de promouvoir la formation.»

Secrétaire générale de l’Associatio­n neuchâtelo­ise des établissem­ents et maisons pour personnes âgées, Fabienne Wyss Kubler montre sa satisfacti­on, alors qu’il y a deux ans les relations sur le sujet avec le canton étaient tendues: «Nous sommes heureux et soulagés qu’avec ce jalon, les EMS puissent aller de l’avant dans la modernisat­ion et la constructi­on des infrastruc­tures. Sur le terrain, quand on vous dit de fermer et de rouvrir des lits, vous vous sentez forcément un peu ballottés. L’Anempa a toujours été au clair sur les objectifs du canton et sur leur bien-fondé, mais il est toujours plus positif pour des prestatair­es d’envisager des développem­ents que des réductions. Le défi organisati­onnel et humain reste néanmoins entier.»

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