Nestlé souffre d’une demande en berne et déçoit les attentes
La multinationale vaudoise a dévoilé hier des résultats mitigés, qui n’ont pas convaincu les investisseurs. Ayant reconnu avoir recouru à des traitements interdits sur ses eaux minérales en France, le groupe est en train de réviser ses pratiques dans plus
XRéputé pour sa solidité à toute épreuve, Nestlé a cette fois-ci déçu les attentes. Le numéro un mondial de l’alimentation souffre d’une demande atone et la reprise amorcée au quatrième trimestre n’a pas permis d’inverser la tendance. «L’inflation sans précédent de ces deux dernières années a accru la pression sur de nombreux consommateurs et a affecté la demande de produits alimentaires et de boissons», a souligné le directeur général Mark Schneider.
Les résultats annuels publiés jeudi n’ont pourtant réservé aucune grande surprise. Le chiffre d’affaires a reculé l’an dernier de 1,5% à 93 milliards de francs. Le bénéfice net a lui augmenté de 20,9% à 11,2 milliards. La marge opérationnelle ajustée s’inscrit à 17,3%, en hausse de 0,2 point sur un an.
Un couac informatique
Dans le détail, les taux de change ont raboté les ventes de 7,8%, tandis que la croissance organique ressort à 7,2%. L’effet des augmentations de prix atteint 7,5%. Indicateur très scruté par les analystes, la croissance interne réelle, qui correspond aux volumes, reste négative, à -0,3%. Celle-ci a été pénalisée par une demande en berne, des contraintes de capacité et une interruption temporaire de l’approvisionnement en vitamines, minéraux et compléments au second semestre.
En conférence de presse, Mark Schneider a admis que la performance de la division Nestlé Health Science, touchée par ces perturbations, était décevante. Il a pointé du doigt des problèmes d’intégration des systèmes informatiques négligés par l’ancienne équipe dirigeante. Maigre motif de satisfaction, la croissance interne réelle est revenue en zone positive (+0,4%) entre octobre et décembre, après cinq trimestres consécutifs de baisse.
Les investisseurs ont lourdement sanctionné le groupe à la bourse suisse. L’action lâchait en matinée plus de 5% pour tomber à son plus bas niveau depuis quatre ans. «C’est une année à oublier pour Nestlé, résume dans un commentaire Jean-Philippe Bertschy, responsable de la recherche chez Vontobel. La croissance relativement faible des volumes ainsi que le problème auto-infligé à la division Nestlé Health Science ont certainement laissé un goût amer». La multinationale pâtit également de la comparaison avec Danone, qui a publié le même jour des résultats «excellents», relève-t-il.
Les hausses de prix étaient le principal moteur de la croissance des revenus pendant la poussée inflationniste. Leur stabilisation pèse inévitablement sur les prévisions. Le groupe table pour 2024 sur une croissance organique des ventes d’environ 4%. Nestlé veut limiter la hausse de ses prix pour relancer la consommation. Mark Schneider a averti qu’à l’avenir, la croissance reposera davantage sur la progression des volumes.
Pratiques de Nestlé Waters à revoir
Eclaboussée par le scandale des eaux minérales en France, la firme explique qu’elle est en train de réviser les modalités d’exploitation de ses activités dans plusieurs pays. Les pratiques sur certains sites de production «pourraient ne pas être en phase avec le cadre réglementaire applicable. Nestlé regrette cette situation et est actuellement engagée avec les autorités compétentes pour s’assurer que ses pratiques opérationnelles sont parfaitement conformes.» Interrogé à ce propos, Mark Schneider n’a pas souhaité nommer les pays concernés.
L’ONG Foodwatch a porté plainte mercredi contre Nestlé Waters, filiale du géant veveysan, au Tribunal judiciaire de Paris pour neuf infractions. Elle lui reproche d’avoir traité illégalement ses eaux en bouteille et de les avoir vendues sans en informer les consommateurs. Radio France et le journal Le Monde ont révélé fin janvier que la filiale du groupe a eu recours «à des systèmes de traitement de l’eau tels que des filtres à charbon ou des filtres UV» pour ses marques Perrier, Vittel, Hépar et Contrex.
En Suisse aussi, Nestlé a utilisé des procédés de dépollution interdits, en recourant à des filtres au charbon actif pour son eau minérale Henniez. Ces mesures de protection non conformes ont été arrêtées fin 2022.
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