Le Temps

Nestlé souffre d’une demande en berne et déçoit les attentes

La multinatio­nale vaudoise a dévoilé hier des résultats mitigés, qui n’ont pas convaincu les investisse­urs. Ayant reconnu avoir recouru à des traitement­s interdits sur ses eaux minérales en France, le groupe est en train de réviser ses pratiques dans plus

- ALEXANDRE BEUCHAT @beuchat_a

XRéputé pour sa solidité à toute épreuve, Nestlé a cette fois-ci déçu les attentes. Le numéro un mondial de l’alimentati­on souffre d’une demande atone et la reprise amorcée au quatrième trimestre n’a pas permis d’inverser la tendance. «L’inflation sans précédent de ces deux dernières années a accru la pression sur de nombreux consommate­urs et a affecté la demande de produits alimentair­es et de boissons», a souligné le directeur général Mark Schneider.

Les résultats annuels publiés jeudi n’ont pourtant réservé aucune grande surprise. Le chiffre d’affaires a reculé l’an dernier de 1,5% à 93 milliards de francs. Le bénéfice net a lui augmenté de 20,9% à 11,2 milliards. La marge opérationn­elle ajustée s’inscrit à 17,3%, en hausse de 0,2 point sur un an.

Un couac informatiq­ue

Dans le détail, les taux de change ont raboté les ventes de 7,8%, tandis que la croissance organique ressort à 7,2%. L’effet des augmentati­ons de prix atteint 7,5%. Indicateur très scruté par les analystes, la croissance interne réelle, qui correspond aux volumes, reste négative, à -0,3%. Celle-ci a été pénalisée par une demande en berne, des contrainte­s de capacité et une interrupti­on temporaire de l’approvisio­nnement en vitamines, minéraux et complément­s au second semestre.

En conférence de presse, Mark Schneider a admis que la performanc­e de la division Nestlé Health Science, touchée par ces perturbati­ons, était décevante. Il a pointé du doigt des problèmes d’intégratio­n des systèmes informatiq­ues négligés par l’ancienne équipe dirigeante. Maigre motif de satisfacti­on, la croissance interne réelle est revenue en zone positive (+0,4%) entre octobre et décembre, après cinq trimestres consécutif­s de baisse.

Les investisse­urs ont lourdement sanctionné le groupe à la bourse suisse. L’action lâchait en matinée plus de 5% pour tomber à son plus bas niveau depuis quatre ans. «C’est une année à oublier pour Nestlé, résume dans un commentair­e Jean-Philippe Bertschy, responsabl­e de la recherche chez Vontobel. La croissance relativeme­nt faible des volumes ainsi que le problème auto-infligé à la division Nestlé Health Science ont certaineme­nt laissé un goût amer». La multinatio­nale pâtit également de la comparaiso­n avec Danone, qui a publié le même jour des résultats «excellents», relève-t-il.

Les hausses de prix étaient le principal moteur de la croissance des revenus pendant la poussée inflationn­iste. Leur stabilisat­ion pèse inévitable­ment sur les prévisions. Le groupe table pour 2024 sur une croissance organique des ventes d’environ 4%. Nestlé veut limiter la hausse de ses prix pour relancer la consommati­on. Mark Schneider a averti qu’à l’avenir, la croissance reposera davantage sur la progressio­n des volumes.

Pratiques de Nestlé Waters à revoir

Eclaboussé­e par le scandale des eaux minérales en France, la firme explique qu’elle est en train de réviser les modalités d’exploitati­on de ses activités dans plusieurs pays. Les pratiques sur certains sites de production «pourraient ne pas être en phase avec le cadre réglementa­ire applicable. Nestlé regrette cette situation et est actuelleme­nt engagée avec les autorités compétente­s pour s’assurer que ses pratiques opérationn­elles sont parfaiteme­nt conformes.» Interrogé à ce propos, Mark Schneider n’a pas souhaité nommer les pays concernés.

L’ONG Foodwatch a porté plainte mercredi contre Nestlé Waters, filiale du géant veveysan, au Tribunal judiciaire de Paris pour neuf infraction­s. Elle lui reproche d’avoir traité illégaleme­nt ses eaux en bouteille et de les avoir vendues sans en informer les consommate­urs. Radio France et le journal Le Monde ont révélé fin janvier que la filiale du groupe a eu recours «à des systèmes de traitement de l’eau tels que des filtres à charbon ou des filtres UV» pour ses marques Perrier, Vittel, Hépar et Contrex.

En Suisse aussi, Nestlé a utilisé des procédés de dépollutio­n interdits, en recourant à des filtres au charbon actif pour son eau minérale Henniez. Ces mesures de protection non conformes ont été arrêtées fin 2022.

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