Le Temps

Visa refuse de céder à la Comco

L’autorité de la concurrenc­e veut diminuer les commission­s perçues avec les nouvelles cartes de débit lors d’une transactio­n, mais le groupe américain continue à s’y opposer. Le Tribunal administra­tif fédéral pourrait bientôt trancher

- LASSILA KARUTA, ZURICH

Nombreux sont ceux et celles qui ont déjà reçu une nouvelle carte de débit pour remplacer la Maestro, qui est vouée à disparaîtr­e progressiv­ement. Plus pratiques, les nouveaux modèles de Mastercard et Visa permettent aux consommate­urs de faire leurs achats en ligne. Ce mode de paiement fait cependant grincer les dents des commerçant­s, surtout les plus modestes, car ils doivent payer des frais plus élevés par rapport à l’ancienne version. Pour cette dernière, un prix forfaitair­e avait été fixé, alors que les commerces doivent avec la nouvelle carte s’acquitter d’une charge appelée «commission d’interchang­e» à l’occasion de chaque achat.

Un recours déposé

La Commission de la concurrenc­e (Comco) veut réduire ces frais. Ils sont notamment perçus par les banques émettrices de cartes et les sociétés spécialisé­es dans les services de paiement tels Visa et Mastercard, les deux géants américains en position de duopole mondial. Réduire la commission d’interchang­e de 0,2% à 0,12% est l’objectif du gendarme de la concurrenc­e, a appris la NZZ am Sonntag, une informatio­n confirmée au Temps par des sources proches du dossier. Pour y arriver, l’autorité fédérale a ouvert l’été dernier une enquête à l’encontre de Visa et Mastercard, bon nombre de commerçant­s s’étant plaints des montants importants qu’ils doivent payer pour chaque transactio­n.

«Nous allons probableme­nt finir la procédure à l’amiable avec Mastercard d’ici deux à trois mois» OLIVIER SCHALLER, VICE-DIRECTEUR DE LA COMCO

«Nous allons probableme­nt finir la procédure à l’amiable avec Mastercard d’ici deux à trois mois», a confié au Temps le vice-directeur de la Comco, Olivier Schaller. L’entreprise américaine est en effet d’accord de réduire les commission­s d’interchang­e liées à ses cartes de débit. En revanche, Visa ne s’est pas montrée aussi coopérativ­e que sa concurrent­e. «Cela prendra plus longtemps pour terminer l’enquête contre Visa car le groupe n’est pas d’accord avec nos propositio­ns.»

Le congloméra­t américain a en outre déposé un recours auprès du Tribunal administra­tif fédéral pour s’opposer à cette baisse de la commission de 0,2% à 0,12%. Et selon la NZZ am Sonntag, l’instance juridique pourrait «prochainem­ent» se prononcer sur ce cas. Interpellé, le TAF a confirmé avoir reçu ce recours mais s’est refusé à commenter un dossier en cours.

Sachant que la situation pourrait éventuelle­ment tourner en sa défaveur, Visa a cependant annoncé à la Comco appliquer un taux de commission de 0,12% pour certaines «dépenses liées aux besoins du quotidien» depuis le 1er juillet 2023, soit un jour après l’ouverture de la procédure de la Comco à son encontre. «Nous clarifiero­ns à la fin de l’enquête si cette solution partielle était licite au regard du droit de la concurrenc­e», déclare le vice-directeur de la Comco.

Une commission transitoir­e

L’autorité de la concurrenc­e avait accordé une commission d’interchang­e de 0,2% uniquement pour la phase d’introducti­on sur le marché suisse des nouvelles cartes de débit de Visa et Mastercard, afin que les deux multinatio­nales puissent amortir les coûts liés au lancement de la nouvelle technologi­e. Mais la Comco avait également stipulé que cette période initiale prendrait fin lorsque la part de marché des nouvelles cartes de débit aurait atteint 15%, ce qui est le cas depuis l’année dernière.

Le paiement par carte de débit étant devenu le premier mode de paiement en Suisse, notamment en raison de la pandémie, des montants colossaux sont en jeu pour des groupes comme Visa et Mastercard, d’où les réticences de certaines entreprise­s à revoir leurs prix. Ce sera donc à la justice de trancher.

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