Les sanctions, dernières armes émoussées de Joe Biden
Les Etats-Unis ont décrété les sanctions les plus sévères contre la Russie depuis son invasion de l’Ukraine. Mais l’aide militaire à Kiev est toujours bloquée par les républicains au Congrès
Washington va cibler plus de 500 nouvelles entités et individus liés à la Russie. Ces annonces interviennent à la veille du second anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe et une semaine après la mort en prison d’Alexeï Navalny. Si les nouvelles sanctions étaient en préparation avant la disparition du principal opposant au président Vladimir Poutine, elles ont été adaptées pour punir les responsables présumés de ce décès mystérieux. Ces rétorsions sont présentées par l’administration Biden comme les plus importantes depuis le début de la guerre.
«Un prix encore plus fort» à faire payer à Poutine
«Ces sanctions vont viser des individus liés à l’emprisonnement de Navalny, ainsi que le secteur financier, l’industrie de la défense, les réseaux d’approvisionnement et les responsables du contournement des sanctions sur plusieurs continents», a énuméré Joe Biden dans un communiqué. Le but? Que Vladimir «Poutine paie un prix encore plus fort pour son agression à l’étranger et sa répression dans son pays».
Les autorités américaines vont geler les avoirs et interdire de visa trois personnes qui supervisaient l’emprisonnement d’Alexeï Navalny. Des mesures symboliques, puisque ces responsables pénitentiaires sont en Russie et n’ont pas forcément de fonds à l’étranger. Devant les gouverneurs réunis vendredi à la Maison-Blanche, le président s’est dit convaincu que Vladimir Poutine était «responsable de la mort d’Alexeï Navalny». Mercredi soir, lors d’un gala de récoltes de fonds, il avait qualifié son homologue russe de «crazy SOB», un acronyme pour son of a bitch («fils de pute»). Il dénonçait ses menaces nucléaires.
Pays tiers concernés
Les nouvelles sanctions vont bien au-delà de la mort de l’opposant. Washington, qui dit s’être coordonné avec ses alliés européens, vise aussi le secteur financier russe, et notamment le dispositif Mir. Ce système de paiement avait été instauré après l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 pour contourner les premières sanctions financières des pays occidentaux. Ces cartes permettent aux Russes de retirer de l’argent dans certains pays étrangers.
Les Etats-Unis ont aussi désigné des entités dans plusieurs pays tiers. La République islamique d’Iran fournit entre autres des drones utilisés massivement sur le champ de bataille en Ukraine. Des entreprises chinoises vendent des composants électroniques pouvant servir à l’industrie de l’armement. Plusieurs sociétés russes qui importent des munitions de Corée du Nord sont également visées. Une trentaine de pays tiers sont concernés par ces sanctions, dont les Emirats arabes unis, la Serbie ou le Liechtenstein, où une entreprise commerce de l’or avec la Russie. La Suisse et sa place financière ne font pas partie de cette liste de pays tiers.
Les annonces portent à 4000 le nombre d’individus ou d’entités visés depuis deux ans, ce qui fait de la Russie le pays le plus frappé par des sanctions économiques. Pourtant, la Russie a enregistré une croissance de 3,6% de son PIB en 2023, grâce à ses exportations d’armements et d’hydrocarbures. Sur la chaîne CNN, Bill Browder, un financier dont l’associé russe est mort dans les geôles de Vladimir Poutine en 2009 et avocat inlassable en faveur de pressions sur Moscou, a pointé le fait que la Russie continue de percevoir «500 millions de dollars chaque jour en vendant ses hydrocarbures pour financer la guerre en Ukraine». La Chine et l’Inde sont désormais les premiers acheteurs, devant les pays de l’Union européenne.
Contraste avec Donald Trump
Parallèlement à ces sanctions, le président est impuissant à faire passer une aide militaire de 60 millions de dollars à l’Ukraine, contrainte de reculer face à l’armée russe faute de munitions. Cette nouvelle tranche d’aide est bloquée depuis trois mois au Congrès par les relais parlementaires de Donald Trump.
Cette semaine, l’ancien président s’est bien gardé de condamner Vladimir Poutine pour la mort en prison d’Alexeï Navalny. Il a comparé ses propres poursuites judiciaires au sort de l’opposant décédé. Une semaine auparavant, il avait encouragé la Russie à attaquer les pays de l’OTAN qui ne consacrent pas assez de ressources à leur défense et qui comptent trop sur les Etats-Unis. Face à cette indulgence à l’égard de Moscou, Joe Biden voit l’opportunité d’attaquer son prédécesseur à moins de neuf mois de leur probable nouveau duel pour la Maison-Blanche. ■