Le Temps

Le précieux héritage de Cornelio Sommaruga

- MIRJANA SPOLJARIC PRÉSIDENTE DU COMITÉ INTERNATIO­NAL DE LA CROIX-ROUGE

Cornelio Sommaruga a présidé aux destinées du CICR durant une période de profonds bouleverse­ments géopolitiq­ues découlant de la fin de la Guerre froide. Homme de conviction doté d’un grand charisme, il a su moderniser notre organisati­on pour faire face à de nouvelles formes de conflits et de violence armée, tout en répondant aux conséquenc­es humanitair­es de la guerre du Golfe et de conflits dans les Balkans, en Tchétchéni­e ou encore en Somalie et au Rwanda.

Connu pour son engagement et sa personnali­té hors du commun, Cornelio Sommaruga a porté avec force la voix des victimes des conflits armés auprès des Etats, en renforçant le droit internatio­nal humanitair­e pour mieux les protéger tout en défendant une action humanitair­e neutre, impartiale et indépendan­te.

Son engagement pour l’interdicti­on des mines antiperson­nel est emblématiq­ue à cet égard. Cornelio Sommaruga – indigné par les témoignage­s de chirurgien­s du CICR sur les mutilation­s et les souffrance­s indicibles causées de manière indiscrimi­née par les mines – décida de lancer un appel public en 1994 pour une interdicti­on totale de ces armes, suivi d’une campagne publique: une première pour le CICR. Les propositio­ns défendues ont contribué à une avancée historique pour la protection des victimes de la guerre, avec l’adoption de la Convention d’Ottawa en 1997.

A la fin de la Guerre froide, quand certains se demandaien­t s’il était encore opportun de préserver une action humanitair­e neutre, impartiale et indépendan­te, Cornelio Sommaruga a défendu l’applicatio­n et le respect de ces principes fondamenta­ux du Mouvement internatio­nal de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Aujourd’hui, plus que jamais, ces principes demeurent essentiels pour agir au coeur des conflits et pouvoir servir d’intermédia­ire neutre.

Intimement convaincu de la pertinence de la mission du CICR au sein du Mouvement, il l’a ancrée sur le terrain, au coeur des conflits, et dans le dialogue avec les belligéran­ts. En 1992, Cornelio Sommaruga a été l’un des premiers dirigeants à alerter sur l’existence de camps d’internemen­t en Bosnie-Herzégovin­e, puis en 1994 sur les attaques ciblées et systématiq­ues contre une partie de la population au Rwanda.

Cornelio Sommaruga a beaucoup oeuvré en faveur de la communauté humanitair­e et de la Genève internatio­nale. A l’interne, il a prêté une attention toute particuliè­re à la transforma­tion du CICR ainsi qu’au parcours de ses collaborat­rices et collaborat­eurs. De 3500 au début de sa présidence, ils seront 10 000 à la fin de son mandat. Auparavant exclusivem­ent suisses, les délégués seront également de nationalit­és et de profils toujours plus divers.

Cornelio Sommaruga aura été profondéme­nt marqué par l’assassinat de collègues du CICR, notamment en 1996 où six d’entre eux furent tués en Tchétchéni­e et trois au Burundi. Afin de mieux protéger le personnel des organisati­ons humanitair­es et renforcer l’accès aux population­s civiles, Cornelio Sommaruga sera encore plus engagé dans le dialogue avec les parties au conflit – qu’il s’agisse des gouverneme­nts ou des groupes armés non étatiques.

Ainsi qu’il l’a relevé, «l’aide humanitair­e n’est pas seulement destinée à répondre aux besoins immédiats, mais aussi à redonner de l’espoir. » Cornelio Sommaruga nous laisse un précieux héritage qu’il nous incombe de continuer à préserver et faire fructifier face aux défis humanitair­es actuels. ■

Auparavant exclusivem­ent suisses, les délégués sont de nationalit­és et de profils toujours plus divers à la fin de son mandat

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