Le Temps

«Pour les paysans, le changement climatique n’est pas mauvais»

- YVES PETIGNAT JOURNALIST­E

On commence par être président climatosce­ptique de l’UDC, puis on finit par être ministre du Climat, de l’Environnem­ent et de la Transition énergétiqu­e. C’est l’insolite chemin de Damas – pour autant qu’il soit sincère – d’Albert Rösti, aujourd’hui à la tête du DETEC, le Départemen­t de l’environnem­ent, des transports et de l’énergie. Et c’est, qui sait, peut-être ce qui attend l’un de ses successeur­s à la tête du premier parti de Suisse, le Schwytzois Marcel Dettling, que l’UDC devrait logiquemen­t porter à sa présidence lors de son assemblée des délégués, le 23 mars.

En tout cas, les propos de celui-ci sur le climat – «pour les paysans, le changement climatique n’est pas mauvais» – restent dans la droite ligne de ceux que tenait Albert Rösti, alors à la tête de l’UDC, il y a moins de quatre ans: «Le climat? C’est ce que nous appelons l’arnaque écolo-socialiste contre la classe moyenne».

L’interview de Marcel Dettling, seul candidat à la présidence de l’UDC nationale, parue dans la dernière NZZ am Sonntag, est en tout cas un vrai morceau de bravoure, une paysanneri­e idéalisée mais fataliste, digne du bernois Jeremias Gotthelf: «Il n’y a que Dieu pour vous en sortir de ce malheur! » (L’Araignée noire). Marcel Dettling ne dit rien d’autre: «Je crois qu’il n’y a pas de coupable [du changement climatique] et que personne ne peut l’arrêter. Je suis un être croyant et je pense que nous ne pouvons pas décider de tout». De toute manière, estime-t-il, il y a toujours eu de tels phénomènes.

Pourquoi, dès lors s’astreindre à réduire les émissions de gaz à effet de serre? «De telles mesures n’apporteron­t pas grandchose. Le plus important est de s’adapter». Le réchauffem­ent, que Marcel Dettling ne nie pas, ne serait qu’un problème technique. Qui a ses avantages: «En fin d’automne, on peut laisser les animaux dehors plus longtemps. La période de végétation s’allonge. Et l’automne dernier, les maraîchers ont fait de très bonnes récoltes».

On est loin du discours de Markus Ritter, président de l’Union suisse des paysans (USP), selon qui non seulement l’agricultur­e est l’une des principale­s victimes du réchauffem­ent, mais aussi «en partie à l’origine des gaz nuisibles pour le climat». L’USP entend assumer sa part de responsabi­lité et encourage les exploitant­s à réduire leur empreinte écologique. Elle estime d’ailleurs que, «à moyen terme, les effets négatifs du changement climatique sur l’agricultur­e devraient clairement l’emporter, même dans le cas d’un scénario optimiste».

Entre l’UDC, formation envoyant le plus de paysans à Berne, et l’USP, il y a pour le moins de profondes divergence­s. En 2023, l’UDC s’était ainsi opposée à la loi sur la protection du climat que l’USP soutenait. Selon le politologu­e Oscar Mazzoleni, qui s’exprimait sur le sujet l’an dernier, «le climat risque de devenir un point de basculemen­t potentiell­ement crucial entre les agriculteu­rs et l’UDC en raison de division internes».

Comme la socialiste Elisabeth Baume-Schneider appelée à s’opposer à l’initiative AVS de ses camarades, le ministre de l’Environnem­ent Albert Rösti sera de plus en plus souvent contraint de défendre les projets pro-climat du Conseil fédéral. Dans la même situation, un autre que lui a vite été ravalé au statut de «demi-conseiller fédéral» par ceux-là mêmes qui l’avaient élu. ■

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