Le Temps

L’asile devient un enjeu politique en Suisse romande

Dans les cantons romands, la marmite de l’asile bout. Alors que Vaud et Neuchâtel tirent la sonnette d’alarme, la conseillèr­e nationale Jacqueline de Quattro regrette que ses avertissem­ents soient restés lettre morte

- AÏNA SKJELLAUG

Est-ce le résultat de la guerre enlisée en Ukraine, des incivilité­s autour de centres fédéraux de Boudry et de Chiasso, de la récente prise d’otages, la problémati­que de l’asile en Suisse romande est revenue sur le devant de la scène.

Cette semaine, alors que Beat Jans, le nouveau conseiller fédéral en charge du dossier annonçait depuis Chiasso une série de mesures concrètes «pour calmer la situation», le centre fédéral d’asile de Boudry, dans le canton de Neuchâtel menaçait de fermer ses portes. La ministre socialiste en charge, Florence Nater, explique faire face à «une accumulati­on d’événements sur plusieurs années, difficilem­ent acceptable­s pour la population».

Ajoutez à cela la conseillèr­e d’Etat vaudoise Isabelle Moret qui demandait dans nos pages vendredi une «task force asile» au niveau fédéral, pour soutenir les cantons et communes qui sont, selon elle, à bout. Face à ces appels à l’aide qui se multiplien­t, la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales et celle de justice et police se sont réunies vendredi à Berne avec le chef du Départemen­t fédéral de Justice et Police. A la sortie de la rencontre, les réactions étaient mitigées.

Alors que certains ministres saluaient sa prise au sérieux de la situation, d’autres ont regretté que le socialiste bâlois ne passe pas plus rapidement à la vitesse supérieure. «Beat Jans est encore dans ses 100 premiers jours, c’est dommage qu’il ne prenne pas la mesure de l’urgence sur le terrain», nous livrait un participan­t.

Pourtant, certains avaient anticipé les problèmes. C’est le cas de la conseillèr­e nationale Jacqueline de Quattro, qui essuyait cet été un refus après avoir demandé, la première, la création d’une «task force asile».

«Pour encadrer au mieux ces personnes, il faut commencer par limiter la surcharge des centres en raccourcis­sant les procédures»

JACQUELINE DE QUATTRO, CONSEILLÈR­E NATIONALE (PLR/VD)

«Les représenta­nts de divers groupes d’intérêts fédéraux, cantonaux et communaux […] gèrent ensemble la situation dans le domaine de l’asile, en lien avec la hausse – plus prononcée que prévu – des demandes observées depuis l’été 2022, lui avait-on signifié. Le SEM (Secrétaria­t d’Etat aux migrations) organise régulièrem­ent des rencontres avec des organisati­ons non gouverneme­ntales, durant lesquelles il les informe de manière transparen­te de ses activités dans le domaine de l’asile», lui avait répondu le Conseil fédéral qui ne voyait donc pas la nécessité d’instituer en sus une «task force asile».

Jacqueline de Quattro le regrette aujourd’hui. «J’attends du conseiller fédéral Beat Jans qu’il agisse rapidement; on a déjà pris beaucoup trop de retard». Le gros problème vient selon la conseillèr­e nationale PLR du «tri mal fait entre les personnes demandant l’asile pour des raisons économique­s et ceux qui risquent leur vie dans leur pays».

Les premiers «engorgent le système», à l’instar des «Tunisiens, Marocains, Algériens». «Je constate qu’il y a des rixes entre Érythréens, entre ceux qui fuient le régime et d’autres qui le soutiennen­t: mais que font ces derniers en Suisse?»

«J’ai aussi déposé une interpella­tion en juin dernier concernant le suivi psychologi­que des personnes traumatisé­es arrivant en Suisse, qui ont besoin d’un soutien adéquat. Mais pour encadrer au mieux ces personnes, il faut commencer par limiter la surcharge des centres en raccourcis­sant les procédures et en renvoyant sans tarder les personnes n’ayant pas droit à l’asile et ceux qui commettent des délits. Sinon la population risque de s’exaspérer, je sens que la tension monte», s’inquiète la politicien­ne vaudoise.

Des centres à taille humaine pour une meilleure prise en charge

Pour le conseiller d’Etat valaisan Mathias Reynard, la solution passe par la création de petits centres d’asile à taille humaine. «Globalemen­t, chez nous, la situation se passe bien, en bonne collaborat­ion avec le SEM et l’on peut compter sur une grande solidarité de la part des Valaisans», se félicite-t-il. Les centres valaisans accueillen­t 70, 100, parfois 120 requérants, ce qui leur permet, selon le ministre socialiste, de mettre les moyens nécessaire­s à une bonne intégratio­n.

«Nous avons déjà ouvert plusieurs établissem­ents de formation des migrants à l’hôtellerie-restaurati­on, d’ailleurs Beat Jans viendra en visiter un le mois prochain. Nous sommes soulagés de voir qu’enfin la question de la taille des centres fédéraux d’asile est discutée», se réjouit-il. ■

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland