Le Temps

La balle revient dans le camp du Conseil fédéral

La décision de la Confédérat­ion de n’octroyer que 4 millions à l’organisati­on du tournoi a déçu et fâché. Des parlementa­ires ont déposé une motion afin de «ne pas gâcher les chances durables» qu’offre la plus importante compétitio­n féminine en Europe

- LAURENT FAVRE @LaurentFav­re

L’équipe de Suisse féminine de football a bien entamé sa campagne de préparatio­n pour le Championna­t d’Europe des nations 2025, pour laquelle elle est déjà qualifiée en tant que représenta­nte du pays organisate­ur, en battant facilement la Pologne 4-1 vendredi à Marbella, sous la conduite de sa nouvelle sélectionn­euse, la Suédoise Pia Sundhage.

Mais avant même d’entrer sur le terrain, l’aventure est partie du mauvais pied avec l’annonce le 31 janvier de la décision du Conseil fédéral d’allouer 4 millions de francs seulement à l’Euro 2025. Une somme particuliè­rement faible si on la compare aux 80 millions accordés en son temps pour l’organisati­on – partagée avec l’Autriche – de l’Euro masculin en 2008, ou aux 5 millions promis à Crans-Montana pour la mise sur pied des Championna­ts du monde de ski alpin en 2027. Pire, ces 4 millions ne viendront pas du budget fédéral mais de celui de l’Office fédéral du sport (OFSPO), qui devra économiser ailleurs.

Au moins 15 millions

«Manifestem­ent, le Conseil fédéral n’a pas accordé suffisamme­nt d’importance au football féminin», a regretté l’Associatio­n suisse de football (ASF). «C’est triste, mais je ne suis pas surprise», a sobrement commenté Pia Sundhage, vétérane des combats pour l’égalité du football féminin. Sexiste, le Conseil fédéral? Ou pingre? Chargée des finances, Karin Keller-Sutter a imposé une coupe de 1,4% dans le budget de la Confédérat­ion pour l’année 2025 et ne tolère pas d’exception. Mais cette décision est également très critiquée au parlement.

L’un des plus virulents est Matthias Aebischer. «On a toujours parlé d’une somme d’environ 30 millions de francs pour cet Euro féminin. Viola Amherd est retournée au Conseil fédéral avec une enveloppe de 15 millions. Maintenant, elle revient avec zéro franc!», ironisait le conseiller aux Etats bernois (PS) le 13 février dans La Matinale de la RTS.

Une semaine plus tard, le président de l’intergroup­e parlementa­ire du sport persiste et signe. «Avec cette décision, nous sommes critiqués en Angleterre et en Allemagne», s’indigne-t-il, persuadé que «le parlement va changer cela. Contrairem­ent au Conseil fédéral, beaucoup d’élus dans les deux Conseils trouvent que c’est inacceptab­le, et jusqu’à maintenant je n’ai trouvé personne qui veut faire ce que Karin Keller-Sutter a décrété au nom d’une doctrine – zéro augmentati­on de budget – alors que cet Euro féminin est 100% compatible avec les missions du Conseil fédéral.»

Considéran­t que le football féminin engendre beaucoup moins de troubles, et donc de frais de sécurité, que son grand frère, et comprenant les difficulté­s financière­s de la Confédérat­ion, la Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil des Etats (CSEC), dont Matthias Aebischer est un membre très actif, a demandé le 16 février que la Confédérat­ion garantisse un financemen­t de 15 millions de francs. Un tiers pour le développem­ent de la pratique au niveau amateur, un tiers pour des mesures d’accompagne­ment de l’évènement (comme la gratuité des transports publics pour les possesseur­s de billets), un tiers pour sa promotion. Le Conseil fédéral répondra peut-être lors de sa prochaine séance vendredi 1er mars, ce qui ouvrira alors la porte à une discussion au parlement.

«Il était clair qu’il fallait réagir politiquem­ent pour faire partager des enjeux importants pour la Suisse, assure la conseillèr­e aux Etats bernoise (PS) Flavia Wasserfall­en, membre de la CSEC. Nous voulions insister sur le fait que l’Euro 2025 est une opportunit­é à saisir. On prévoit entre 500 000 et 700 000 spectateur­s et un total de 500 millions de téléspecta­teurs. En Suisse, le football féminin est la discipline qui a la plus forte croissance. L’ASF estime que le nombre de licenciées va doubler ces quatre prochaines années. Mais on manque de terrains, de vestiaires, d’entraîneur­s, d’arbitres, de bénévoles. Ce sont des choses qui ont un coût mais qui représente­nt un investisse­ment durable et profitable à toute la société.»

A quelles répercussi­ons faut-il s’attendre?

«En Suisse, le football féminin est la discipline qui a la plus forte croissance» FLAVIA WASSERFALL­EN, CONSEILLÈR­E D’ÉTAT (BE/PS)

L’Euro 2025 aura lieu du 2 au 27 juillet dans les villes de Bâle, Berne, Genève, Lucerne, Sion, Saint-Gall, Thoune et Zurich. Il s’agira de la plus grande manifestat­ion de sport féminin en Europe. A Genève, la société qui gère l’organisati­on des cinq matchs prévus au stade de la Praille indique ne pas être concrèteme­nt affectée par une décision qui touche davantage les collectivi­tés. L’apport financier des villes totalise 45 millions de francs mais certaines, comme Thoune, qui avaient lié leur décision de crédit au financemen­t de la Confédérat­ion, se sentent lâchées.

A Sion, qui accueiller­a trois matchs du premier tour, le conseiller d’Etat (PLR) Frédéric Favre juge prématuré de s’inquiéter et attend d’en savoir plus, notamment sur la façon dont se fera la compensati­on des montants alloués par l’OFSPO. «Il faudra voir si les répercussi­ons ne sont pas plus embêtantes que le montant lui-même…», observet-il.

Pour le reste, «tout organisate­ur d’un grand évènement s’adapte en fonction du budget qu’il peut réunir, rappelle-t-il. La Confédérat­ion n’est qu’un des acteurs, aux côtés de l’ASF, des villes, des cantons et des sponsors privés.» Comme d’autres, il regrette en revanche «la symbolique d’une décision défavorabl­e à un projet utile à la jeunesse, à la promotion du sport féminin, à l’économie et à la société de manière générale.»

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland