Le Temps

Des oisillons apprentis chanteurs encore dans l’oeuf

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Le mérion superbe est un petit oiseau d’Australie devenu célèbre il y a quelques années au sein de la communauté scientifiq­ue parce que ses oisillons, dès l’éclosion, reproduise­nt une mélodie, spécifique à leur mère, qu’ils ont entendue dans l’oeuf. Lorsque les scientifiq­ues interverti­ssaient des oeufs entre des nids de mérions, les oisillons à leur éclosion chantaient la mélodie de leur mère adoptive. Preuve qu’il s’agit d’un apprentiss­age prénatal et non d’un phénomène génétique. Les mères ne ménagent d’ailleurs pas leurs efforts pour transmettr­e ce chant: lorsqu’elles couvent, elles répètent la mélodie plus de

16 fois par heure! Celle-ci représente alors 95% de ce que chantent les femelles pendant l’incubation, mais disparaît complèteme­nt de leur répertoire dès l’éclosion des oeufs. De quoi attiser la curiosité des scientifiq­ues… Les recherches se sont donc poursuivie­s et cette année une étude sur le sujet paraît avec trois nouveaux éclairages*.

Première nouvelle, cet apprentiss­age embryonnai­re des oisillons qui paraissait exceptionn­el ne l’est pas. On retrouve ce comporteme­nt chez sept autres espèces d’oiseaux australien­s de la même famille que le mérion superbe (les Maluridae). Deuxième résultat: les oisillons dans leur coquille réagissent à ce que chante leur mère. Quand les scientifiq­ues leur ont diffusé des enregistre­ments maternels, le rythme cardiaque des embryons s’est accéléré à l’écoute de la mélodie spécifique à leur incubation. Troisièmem­ent, certaines femelles sont plus pédagogues que d’autres. L’équipe de recherche a observé que certaines mères ralentisse­nt leur chant. Ces mères donnent ensuite naissance à des oisillons qui chantent la mélodie de manière plus précise que les autres.

Mais pourquoi les petits ont-ils besoin d’apprendre cette mélodie? Il s’avère qu’ils l’utilisent dès leur éclosion pour quémander de la nourriture. Les scientifiq­ues pensent ainsi qu’elle pourrait représente­r une sorte de mot de passe. Les parents pourraient discrimine­r de cette façon leurs propres oisillons – ceux qui connaissen­t la mélodie familiale – d’intrus, du genre coucous, qui squatterai­ent incognito leur nid.

Ces découverte­s montrent une facette méconnue du chant des oiseaux, généraleme­nt considéré comme l’apanage des mâles pour séduire les femelles. Les oiseaux australien­s mettent aujourd’hui en lumière l’importance du chant des femelles. Non seulement celui-ci existe, mais il joue aussi un rôle important dans la vie familiale des oiseaux!

* Kleindorfe­r et coll. «Nestling begging calls resemble maternal vocal signatures when mothers call slowly to embryos», 2024, «The American Naturalist».

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