Le Temps

Les marchés immobilier­s chinois et américain font leur brushing

Depuis des mois, des prophètes de mauvais augure annoncent une future catastroph­e immobilièr­e. En particulie­r dans le commercial aux EtatsUnis et dans le résidentie­l en Chine. Un état des lieux attentif s'impose

- JEAN-FRANÇOIS BEAUSOLEIL DIRECTEUR RÉGIONAL UBS GENÈVE THOMAS VERAGUTH ÉCONOMISTE SPÉCIALIST­E DE L’IMMOBILIER, CHIEF INVESTMENT OFFICER, UBS

«Quand votre coiffeur vous fait une recommanda­tion boursière, vendez cette action!» Ce vieux dicton financier pourrait presque s’appliquer aux prédiction­s immobilièr­es. En tout cas, pour ce qui concerne l’immobilier commercial américain. En fait, si le grand public commence à s’y intéresser, c’est que la possible crise est déjà passée ou, à tout le moins, est sous contrôle.

Un marché américain plus sûr qu'il n'y paraît

Un premier constat: même si, à la suite de la défaillanc­e des petites banques régionales, des craintes sont forcément nées, dans l’ensemble, les banques américaine­s ne sont pas particuliè­rement vulnérable­s à l’immobilier commercial. Surtout si l’on compare la situation actuelle aux périodes de stress financier passées.

Les risques sont plus ou moins concentrés sur le marché des bureaux dans les villes. Le taux moyen de vacance sur l’ensemble du pays est légèrement inférieur à 20%. Mais il diffère beaucoup d’une cité à l’autre. Les volumes inoccupés les plus importants sont situés à New York et à San Francisco.

Dans la Grosse Pomme, on a notamment vu force constructi­ons importante­s lancées par des investisse­urs qui y cherchaien­t avant tout une échappée fiscale. En clair, ces propriétai­res ne sont pas – en priorité – préoccupés par le rendement. Même avec une moitié de locaux vacants, ils n’ont pas de souci de liquidités, mais seulement un problème de valorisati­on. Comme ce sont souvent des complexes importants, ils sont trop grands pour qu’on envisage de les démolir. Et leurs investisse­urs se satisfont de rendements même moyens. Concrèteme­nt, le risque est faible de ce côté-là. En revanche, ces bureaux disponible­s font pression sur le marché local et empêchent de vraies hausses sur les autres locaux.

Néanmoins, les fondamenta­ux restent positifs. A New York, le marché commence déjà à se détendre dans la Midtown Manhattan compte tenu du fait que de petits immeubles commerciau­x sont progressiv­ement en train d’être transformé­s en logements résidentie­ls.

Dans la plupart des autres pays développés, les marchés de bureaux affichent des taux d’inoccupati­on inférieurs à 10% en moyenne. La plupart des villes d’Europe ou d’Asie – à quelques exceptions près qui n’affectent pas matérielle­ment les banques et qui, de surcroît, sont déjà bien connues – offrent des taux de vacance d’environ 5%, voire moins. En résumé, les marchés de bureaux bénéficien­t d’une croissance des loyers, même si les divergence­s fondées sur la qualité restent toujours à considérer.

Par ailleurs, les autres secteurs immobilier­s, comme les locaux industriel­s et logistique­s, le résidentie­l ou même le commerce de détail et d’autres niches, ont des fondamenta­ux sains et bénéficien­t d’une croissance des loyers en raison d’une pénurie générale de l’offre.

Craintes très particuliè­res, mais pas systémique­s

En clair, les mauvaises nouvelles récentes concernant les banques américaine­s sont plutôt idiosyncra­siques et non systémique­s. Les établissem­ents font preuve d’une très grande transparen­ce quant à leur exposition à l’immobilier. Dès lors, tant les régulateur­s que les investisse­urs du monde entier sont bien conscients des risques et devraient déjà les avoir intégrés.

On sera plus circonspec­t sur la Chine où la privatisat­ion des logements urbains, initiée en 1998 par l’introducti­on de droits de propriété, a engendré une sorte de frénésie dans l’activité de constructi­on. Avec des prix des logements et un marché du financemen­t des nouveaux immeubles en hausse constante.

Quelques ombres sur la Chine

Aujourd’hui, malgré des signes visibles de ralentisse­ment, l’activité et les niveaux de prix restent encore trop élevés. Malgré les baisses et la forte correction enregistré­es, les effets de levier et les déséquilib­res entre offre et demande demeurent excessifs. L’atterrissa­ge devrait toutefois s’effectuer cette année encore, au terme de ce cycle de baisse.

Le ralentisse­ment a été brutal, mais l’effondreme­nt devrait être évité. C’est d’ailleurs plus l’économie chinoise qui a trinqué, que l’économie mondiale. En outre, le marché immobilier chinois est toujours largement contrôlé et réglementé par le gouverneme­nt: un krach tel que ceux observés dans une économie de marché typique est tout à fait improbable. Au contraire, le marché chinois pourrait, ces prochains mois, offrir de nouvelles opportunit­és d’investisse­ments. A condition d’être très sélectif!

En conclusion: chez votre coiffeur, demandez une coupe de cheveux plutôt qu’un conseil boursier.

 ?? ??
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland