La crise du logement s’intensifie en Suisse
Des experts estiment que la Suisse ne pourra se passer de déclasser des terrains agricoles. Le potentiel du réservoir existant de zones à bâtir ne suffira pas, tant les projets se révèlent longs et coûteux
Le phénomène gagne l’ensemble du pays. En Suisse alémanique, la crise du logement s’intensifie et rejoint, dans des villes comme Zurich, Bâle, Zoug et Lucerne, les niveaux observés dans l’Arc lémanique. Le prix des loyers s’envole sous l’effet de la rareté, tandis que le volume des permis de construire n’a jamais été aussi bas depuis vingt ans. Cela alors que le pays a enregistré l’an dernier une immigration record, avec 100 000 nouveaux arrivants.
La NZZ am Sonntag s’est penchée sur l’une des facettes du problème, le réservoir de zones à bâtir, facteur décisif selon l’Office fédéral de l’aménagement du territoire. Selon cet office, la Confédération et les cantons tiennent compte de la croissance démographique attendue – la Suisse devrait franchir le cap des 10 millions d’habitants entre 2034 et 2040.
Mais les experts sollicités par le média alémanique doutent que les terrains identifiés suffiront. Pourquoi? La bureaucratie serait excessive et les guérillas judiciaires menées par les riverains empêcheraient la réalisation du nombre de logements prévus sur un terrain donné. Si bien qu’au bout du compte, le nombre de logements construits est toujours inférieur au projet initial.
Des plans théoriques
A Lucerne, où l’on compte accueillir 19 000 personnes supplémentaires, on atteindra au maximum deux tiers du potentiel escompté, estime ainsi Alex Widmer, directeur de l’association des propriétaires et propriétaire lui-même d’une coopérative d’habitation. A Zoug, les plans de densification sont tout aussi théoriques, d’après l’architecte Philipp Peikert. Selon lui, «au mieux, la moitié des réserves revendiquées sont effectivement utilisables».
La situation décrite est analogue dans bien d’autres villes, dont à Zurich, où la crise du logement devient aiguë, alors qu’au moins 70 000 nouveaux habitants sont attendus d’ici quinze ans. Au début du mois, Blick a marqué les esprits en publiant des photos d’une longue file de personnes patientant pour visiter un appartement – vision à laquelle Genevois et Lausannois sont habitués.
Offre diminuée de moitié
Une étude toute fraîche de Raiffeisen montre qu’il n’y a jamais eu aussi peu de logements locatifs disponibles depuis dix ans; l’offre a diminué de moitié. Résultat, les nouveaux baux ont bondi de 4,7% l’an dernier. En moyenne, un appartement de 4 pièces vaut 1900 francs dans les cinq plus grandes villes du pays. Mais le prix passe à 2300 francs à la conclusion d’un nouveau contrat de location.
Cette poussée de fièvre a poussé le conseiller fédéral Guy Parmelin à organiser deux tables rondes. A l’issue des travaux, il a préconisé plus tôt dans le mois d’accroître l’offre, de faciliter la densification, notamment en hauteur, et d’accélérer les procédures administratives. Mais de l’avis général, l’effet de ces résolutions ne se fera pas sentir avant dix ou quinze ans. L’Union des villes suisses, dont la vice-présidente est la présidente de Zurich Corine Mauch, a ainsi déploré qu’aucune mesure ne concerne le droit de préemption, permettant aux collectivités d’acquérir des terrains pour y construire des logements d’utilité publique. Elle a aussi regretté que la transparence des baux ne soit pas améliorée – ce que le parlement a refusé récemment, contrairement à la pratique prévalant à Genève.
Du côté de la Fédération romande immobilière, c’est l’absence de réflexion sur la loi sur l’aménagement du territoire qui a été déplorée. D’après Olivier Feller, cette loi «limite les zones constructibles mais ne dit pas comment densifier» là où c’est possible. Dans la NZZ am Sonntag, le cabinet de conseil Wüest Partner partage cette préoccupation. Son cofondateur, l’architecte Martin Hofer, y explique que des villes comme Zurich, Bâle et Berne comportent des zones agricoles situées aux limites de la ville qui devraient être aménagées.
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