Voyage à la table de Tamara Hussian
Méconnaissable. C'était hier un resto thaï plein de bruit et de fureur donnant sur le boulevard Georges-Favon, à Genève, c'est aujourd'hui un espace ouvert et lumineux, avec d'un côté, une galerie d'art (Wilde); de l'autre, une longue table de bois clair avec ses drôles de soliflores, une cuisine ouverte, un bar et un petit coin librairie. A terme, les artistes de la galerie devraient aussi investir le lieu, à l'instar du peintre Omar Ba, dont l'univers envoûtant inaugure les cimaises, explique la cheffe et entrepreneuse Tamara Hussian.
Formée auprès du triple étoilé annécien Laurent Petit, elle est un des talents émergents de Suisse romande, passée notamment par le Bleu Nuit, à Genève. Mais alors qui est Anouch? L'enseigne ne se réfère pas à une personne en particulier. C'est d'abord un prénom qui signifie «doux et sucré», en arménien et «bien plus, c'est devenu une expression usuelle pour souhaiter bon appétit, remercier la personne qui a cuisiné, pour offrir un café ou trinquer avec un bon vin». Un choix qui dit à la fois le lien à ses origines, auxquelles elle reste très attachée, et l'envie d'en faire un lieu chaleureux et convivial, avec une âme.
Tamara Hussian cultive en outre le goût des voyages: l'Iran et son usage raffiné des épices, mais aussi le Vietnam, le Cambodge, le Laos, la Thaïlande, la Malaisie, Singapour et le Japon… Autant d'expériences qu'elle transpose dans sa cuisine, en faisant son propre miso, ses yaourts ou son pain au levain, en s'inspirant du soudjouk, ce mélange* d'épices arménien, du satay malaisien ou des dashi japonais – toujours pour sublimer des produits locaux. Les ingrédients sont bios pour l'essentiel, labellisés ou non. Avec l'envie de mettre en avant des producteurs formidables de la région, de la microferme du Sonneur, à Avully – «une qualité de légumes extraordinaire» – à l'agneau de Jussy, voire aux riz et épices de Lyzamir.
Et avec ça, la jeune cheffe entend bien pratiquer des prix décents et proposer à sa petite équipe une ambiance de travail agréable – en ouvrant du mercredi au samedi – et limiter les couverts à une quinzaine pour démarrer. Un lieu où voyager dans l'assiette et où le client se sentira accueilli, comme Genève en compte trop peu. ■