Le Temps

Sans rival démocrate, Joe Biden face à lui-même

L’impopulair­e président affronte ce mardi son premier test électoral dans l’Etat crucial du Michigan, où, faute de réelle concurrenc­e dans son camp, des électeurs de son parti appellent à voter blanc pour protester contre son soutien inconditio­nnel à Isra

- SIMON PETITE, MIAMI @simonpetit­e

«Prenez votre téléphone, regardez dans votre liste de contacts et, si vous avez l’impression que quelqu’un dans votre entourage n’a pas encore voté, il aura encore toute la journée de mardi. S’il ne soutient pas le génocide à Gaza, c’est le moment de se bouger! Nos votes ne ramèneront pas les 30 000 Palestinie­ns qui ont été tués à Gaza mais ils empêcheron­t peut-être 30 000 morts supplément­aires.» Dimanche dans un café de Detroit, Abraham Aiyash, un élu démocrate au parlement du Michigan, lançait son ultime appel à un vote de protestati­on contre Joe Biden lors de la primaire démocrate de ce mardi dans cet Etat clé. Faute de réelle concurrenc­e dans son camp, le président est assuré d’une nouvelle victoire sur le chemin tout tracé de l’investitur­e de son parti pour la présidenti­elle du 5 novembre. Mais il fera face à un premier test électoral dans l’Etat des Grands Lacs.

Fils d’immigrés yéménites, Abraham Aiyash est l’un des fers de lance de la campagne «Listen to Michigan» (Ecoutez le Michigan). Ce mouvement encourage les électeurs démocrates à voter uncommited (non-engagés), l’équivalent d’un bulletin blanc, pour infléchir le soutien inconditio­nnel du président à Israël. Il s’agit d’obtenir au moins 10 000 votes blancs afin d’avertir la Maison-Blanche. «Les électeurs démocrates non-engagés du Michigan opposés à la politique de Biden à Gaza peuvent lui montrer qu’ils sont cruciaux à sa réélection. Le président devra gagner nos voix en changeant radicaleme­nt du politique», peut-on lire sur le site internet de cette campagne, dont le slogan est «ne comptez pas sur moi pour le génocide». Cette accusation controvers­ée à l’égard d’Israël fait l’objet d’une plainte déposée par l’Afrique du Sud devant la Cour internatio­nale de justice.

Donald Trump avait remporté le Michigan face à Hillary Clinton en 2016 pour 10 000 voix. Retour de balancier quatre ans plus tard quand Joe Biden avait devancé le président sortant de 150 000 voix. Selon les derniers sondages, les deux candidats sont au coude à coude dans cet Etat qui sera une nouvelle fois crucial pour la victoire finale.

«Tout bulletin qui n’est pas au nom de Joe Biden favorise un second mandat de Donald Trump»

GRETCHEN WHITMER, GOUVERNEUR­E DU MICHIGAN

L’épouvantai­l Trump

A l’instar de la gouverneur­e du Michigan, Gretchen Whitmer, coprésiden­te de la campagne de Joe Biden et souvent citée comme possible remplaçant­e si l’octogénair­e devait renoncer, les soutiens du président mettent en garde contre ce vote de protestati­on. «Ne perdons pas de vue que tout bulletin qui n’est pas au nom de Joe Biden favorise un second mandat de Donald Trump, qui pourrait être un dévastateu­r», a-t-elle déclaré sur CNN dimanche, rappelant que l’ancien président avait décrété dès son entrée en fonction une interdicti­on des visas en provenance de certains pays musulmans. Le Michigan accueille l’une des plus importante­s communauté­s arabes du pays, avec 200 000 personnes, soit environ 2% de la population de cet Etat, un record. La plupart vivent dans la région de Detroit.

«C’est Joe Biden qui fait courir le risque d’un second mandat de Donald Trump, en soutenant le gouverneme­nt le plus extrémiste de l’Histoire d’Israël», a rétorqué lors d’un autre meeting dimanche Rashida Tlaib, représenta­nte du Michigan d’origine palestinie­nne qui qualifie Joe Biden de «génocidair­e». Elle est la seule élue du Congrès à soutenir un vote «non-engagé» lors de la primaire de ce mardi. L’équipe de campagne de Joe Biden est consciente des risques de perdre la minorité arabe du Michigan qui avait voté massivemen­t pour le démocrate en 2020.

Ces dernières semaines, la Maison-Blanche a tenté en vain de reprendre contact avec des représenta­nts de cette communauté. A la mi-février, l’administra­tion Biden a suspendu les expulsions de Palestinie­ns du territoire américain, tant que la guerre à Gaza continuera. Le gouverneme­nt avait auparavant sanctionné quelques colons israéliens accusés de violence en Cisjordani­e, une mesure sans précédent. Mais il en faudra davantage pour regagner les électeurs d’origine arabe qui réclament de Joe Biden qu’il contraigne Israël à un cessezle-feu à Gaza, ce à quoi il se refuse.

Le silence des ténors

Une majorité d’Américains soutiennen­t un cessez-le-feu, dans une proportion plus grande chez les démocrates que les républicai­ns, ce qui montre combien la guerre à Gaza pourrait nuire électorale­ment à Joe Biden. Au sein du parti du président, une majorité de personnes de confession juive soutiennen­t un arrêt des hostilités, quoique moins massivemen­t que les musulmans, selon un récent sondage de l’Institute for Social Policy and Understand­ing, basé à Detroit.

Malgré cette défiance et les doutes de nombreux Américains sur un second mandat d’un président jugé trop âgé, le mouvement de protestati­on du Michigan est minoritair­e chez les démocrates. Ce mardi, le seul adversaire du président est le représenta­nt peu connu du Minnesota Dean Phillips, qui a obtenu moins de 2% des voix lors de la primaire de Caroline du Sud. Il est désormais trop tard pour que d’autres candidats entrent dans la course à l’investitur­e démocrate. Les personnali­tés les plus en vue, comme la gouverneur­e du Michigan Gretchen Whitmer, celui de Californie Gavin Newsom ou de Pennsylvan­ie Josh Shapiro, sont rangés derrière le président sortant, qui, aux Etats-Unis, se représente quasi systématiq­uement. Les critiques se font derrière des portes closes pour ne pas nuire au candidat de 81 ans. Joe Biden est le seul qui puisse encore ouvrir le jeu côté démocrate en renonçant de luimême.

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