Le Temps

La Suède dans l’OTAN, bientôt une réalité

Le parlement hongrois a ratifié hier l’adhésion de Stockholm à l’Alliance atlantique, levant un dernier obstacle. Le pays scandinave était candidat depuis mai 2022 déjà. Des avions de chasse ont été mis sur le tapis

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, BRUXELLES @vdegraffen­ried

L’heure est désormais à l’apaisement. Après vingt et un mois de tractation­s et d’incertitud­es, la Hongrie a fini par débloquer la situation. Le parlement hongrois a ratifié hier après-midi l’adhésion de la Suède à l’OTAN, faisant ainsi disparaîtr­e le dernier grain de sable coincé dans l’engrenage. Pour le premier ministre hongrois Viktor Orban, l’occasion de justifier la nécessité de rester à Budapest, alors que plus d’une vingtaine de chefs d’Etat et de gouverneme­nt se réunissaie­nt au même moment à Paris pour une conférence de soutien à l’Ukraine, était toute trouvée. Il n’a jamais caché son peu d’empresseme­nt à aider Kiev, suscitant l’impatience des autres pays membres de l’UE.

Quatre nouveaux Gripen

Budapest ne s’est jamais vraiment opposé à l’adhésion de la Suède à l’OTAN, mais a décidé de prendre son temps, de quoi user les nerfs de Stockholm. En temporisan­t et en durcissant le ton, Viktor Orban a au final obtenu ce qu’il voulait: l’achat de quatre avions de combat suédois, en plus des 14 Gripen déjà exploités en leasing et dont le contrat a été prolongé. Il a surtout réussi à faire venir son homologue suédois Ulf Kristersso­n à Budapest vendredi «pour restaurer la confiance», alors que ce dernier s’était juré de ne pas se déplacer, de ne pas céder aux pressions hongroises, repoussant toutes «exigences» ou «négociatio­ns».

«Nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais nous sommes d’accord pour travailler plus activement ensemble quand nous avons un terrain d’entente», a alors précisé le premier ministre suédois. A un média proche du pouvoir, Viktor Orban, qui ne cesse de souffler le chaud et le froid, a reproché aux Suédois d’être «favorables à la guerre dans le conflit russo-ukrainien», «alors que nous sommes favorables à la paix». Mais il refuse de parler d’une «affaire commercial­e» et balaye toute idée d’un «deal». Hier, peu avant le vote et peu avant d’avoir refusé, avec les députés de sa coalition, de rendre hommage à l’opposant russe Alexeï Navalny, il assurait devant le parlement que «l’entrée de la Suède dans l’OTAN va renforcer la sécurité de la Hongrie».

Ce vote positif avait déjà été annoncé vendredi par le leader nationalis­te. Puis confirmé, sur Facebook, par Mate Kocsis, le président du groupe ultra-majoritair­e du Fidesz. Les députés du parti avaient boycotté une précédente session parlementa­ire où l’adhésion était à l’ordre du jour.

Avec cet obstacle levé, la Suède a pour ainsi dire déjà presque les deux pieds dans l’OTAN. Dès la promulgati­on officielle de la loi en Hongrie, elle pourra déposer son «instrument d’accession» à Washington et devenir officielle­ment le 32e membre de l’Alliance. Cela ne devrait prendre que quelques jours.

Le pays a déposé sa candidatur­e en mai 2022, peu après le début de la guerre en Ukraine, en même temps que la Finlande. Un changement de paradigme important, les deux pays rompant ainsi avec des décennies de neutralité puis de non-alignement militaire. Pour la Finlande, le chemin était moins tortueux: elle est devenue membre de l’OTAN en avril 2023.

La Hongrie a une certaine expérience en matière de blocage. Seul pays de l’UE à maintenir des liens étroits avec le Kremlin, elle n’a accepté, en décembre, l’adhésion de l’Ukraine à l’UE qu’en fermant les yeux – Victor Orban était sorti de la salle au moment du vote – et est à l’origine du report de la libération d’une enveloppe de 50 milliards d’euros pour Kiev pour 2024-2027. Une décision qui a pu finalement être prise en février.

Viktor Orban est ces jours fragilisé par un scandale politique interne, sur fond de pédocrimin­alité, qui a poussé la présidente Katalin Novak et l’ex-ministre de la Justice Judit Varga, pressentie comme tête de liste aux européenne­s, à la démission. Il résiste toutefois aux pressions et a été jusqu’à refuser de recevoir une délégation de sénateurs américains.

Des avions pour la Turquie aussi

Dans son bras de fer avec Stockholm, Viktor Orban reprochait surtout au gouverneme­nt suédois de «dénigrer» la Hongrie et de «nuire aux intérêts hongrois», une allusion aux critiques récurrente­s concernant sa «dérive autoritair­e». Or ce sont précisémen­t des inquiétude­s liées à l’Etat de droit, à la corruption, à la liberté académique et aux droits des LGBTQ qui ont poussé Bruxelles à geler des milliards d’euros promis à Budapest. Viktor Orban tente désespérém­ent de récupérer les 20 milliards toujours bloqués.

Il avait fait la promesse de ne pas être le dernier pays à donner son feu vert pour l’entrée de la Suède à l’OTAN. Raté: le parlement turc l’a fait le 23 janvier. Ankara a notamment obtenu du pays scandinave qu’il adopte une nouvelle législatio­n antiterror­iste. La Turquie lui reprochait sa clémence envers les militants kurdes réfugiés sur son sol, qu’elle considère comme des terroriste­s. Le président Tayyip Erdogan a également obtenu le feu vert de Washington pour lui acheter 40 avions de combat F-16, la remise à jour de 79 avions de ce type déjà en la possession d’Ankara et la fourniture de munitions. Le tout pour 23 milliards de dollars.

Si au final Viktor Orban a lâché du lest, comme il l’a fait à propos de l’aide à l’Ukraine, son jeu de pouvoir démontre à quel point il est capable de semer la zizanie et de retarder des décisions cruciales. Dès le 1er juillet, c’est la Hongrie qui prendra la présidence tournante de l’UE.

Viktor Orban est, ces jours, fragilisé par un scandale politique interne, sur fond de pédocrimin­alité

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