Le Temps

«Class action» contre Credit Suisse écartée

Des actionnair­es voulaient un procès aux Etats-Unis, mais basé sur le droit suisse. Ils estimaient que 29 dirigeants de l’établissem­ent, actuels ou passés, avaient violé leur devoir de diligence en laissant la banque multiplier les scandales

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Vingt-neuf anciens ou actuels dirigeants de Credit Suisse ont obtenu le rejet d’une action collective lancée par des actionnair­es de la banque aux Etats-Unis, selon la décision d’une juge new-yorkaise datée du 14 février. D’après les plaignants, vingt ans de mauvaise gestion avaient conduit à une multitude de scandales, d’amendes et à la chute de l’action de l’ex-deuxième banque suisse. Ces actionnair­es, qui affirment avoir subi un dommage financier, cherchaien­t à obtenir un procès aux Etats-Unis mais basé sur le droit suisse. Cette procédure comprenait aussi un angle d’attaque américain, sur la base de la législatio­n RICO, généraleme­nt utilisée pour combattre le crime organisé.

Plus de chances de succès espérées aux Etats-Unis

En laissant Credit Suisse s’enfoncer dans les difficulté­s jusqu’à sa reprise par UBS, le 19 mars 2023, estimaient les plaignants, ces 29 cadres et administra­teurs – dont l’ancien président Urs Rohner ou l’ex-directeur juridique Romeo Cerutti – auraient violé leur devoir de diligence. Cette notion, inscrite dans le Code des obligation­s suisse, signifie que les dirigeants doivent veiller au mieux sur les intérêts de l’entreprise qui les emploient.

«Les plaignants étaient conscients que le droit suisse s’applique dans ce cas, notamment car le siège de Credit Suisse est basé à Zurich, mais ils ont tenté d’obtenir un for juridique aux Etats-Unis, car ils estimaient avoir davantage de chance de l’emporter outre-Atlantique», analyse Célian Hirsch, maître assistant au Centre de droit bancaire et financier de l’Université de Genève. En pratique, «lancer une procédure de ce type en Suisse serait plus compliqué et plus coûteux. Les frais d’avocats seraient plus élevés et devraient être versés quelle que soit l’issue de la procédure, alors qu’aux Etats-Unis ils seraient seulement facturés en cas de succès», détaille l’avocat genevois.

Les plaignants, déjà impliqués dans une autre procédure également rejetée, ont tenté de raccrocher le dossier aux Etats-Unis, en affirmant que certains des défendeurs étaient basés à New York (ce que ces derniers ont démenti) ou que des décisions étaient prises à New York. Un autre argument – également balayé par la juge – laissait entendre que la justice n’était pas totalement indépendan­te en Suisse, puisque le gouverneme­nt fédéral avait organisé le sauvetage de Credit Suisse.

Pas de racket

«La juge a estimé qu’une telle procédure devait avoir lieu en Suisse. Pour cela, les défendeurs doivent accepter la compétence des tribunaux suisses et la juge leur a donné un délai pour le faire», souligne encore Célian Hirsch, qui suit la jurisprude­nce de près pour le site LawInside.

Onze cadres de KPMG, la société qui auditait Credit Suisse, étaient également visés par cette action collective, qui leur reprochait d’avoir certifié les comptes de la banque tout en sachant que ses contrôles étaient défaillant­s.

Le juge n’a pas non plus suivi les plaignants lorsqu’ils affirmaien­t que les défendeurs avaient permis le «pillage» de Credit Suisse, ce qui les aurait placés sous le coup de la loi américaine RICO, pour «Racketeer Influenced and Corrupt Organizati­ons», qui vise à lutter contre les organisati­ons criminelle­s.

«La juge a estimé qu’une telle procédure devait avoir lieu en Suisse»

CÉLIAN HIRSCH, AVOCAT

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