«Après le match, c’est sûr, on fera la fête»
Le Neuchâtel Université Club pourrait atteindre ce soir la première finale européenne de son histoire. La présidente Jo Gutknecht évoque cet «accomplissement phénoménal» qui ne va pas sans tracasseries administratives et financières
En temps normal, il faut gagner trois sets pour remporter un match de volleyball. Ce soir à 19h à la salle de la Riveraine, deux suffiront au bonheur du Neuchâtel Université Club (NUC). Victorieuses de Budowlani Lodz sur le score de 1-3 la semaine dernière en Pologne, les joueuses de la coach Lauren Bertolacci peuvent s’incliner 2-3 au match retour et atteindre quand même la finale de la CEV Cup – la deuxième des trois compétitions européennes de la discipline. Ce serait un exploit inédit pour une équipe suisse depuis Köniz en 2003.
L’engouement local est palpable. Les 2000 billets disponibles ont rapidement trouvé preneurs et un écran géant diffusera le match à l’extérieur de la salle pour ceux qui n’ont pas pu en obtenir. Qualification ou pas, fête il y aura de toute façon, promet la présidente Jo Gutknecht, ravie des exploits sportifs de sa première équipe. Mais elle révèle aussi que cette aventure européenne coûte de l’argent à son club plutôt que de lui en rapporter. Et que le NUC s’expose à des sanctions en jouant dans sa (trop) petite salle de la Riveraine.
Que va-t-il se passer si le NUC remporte les deux premiers sets de cette demi-finale retour? Une explosion de joie, dans la salle, sur le terrain. Tout le monde a bien compris que cela suffirait pour passer, donc ce serait la fête avant même la fin du match.
On le terminerait quand même? Bien sûr, show must go on! Est-ce que Lauren Bertolacci, la coach, ferait alors un peu tourner ou pas du tout, je ne sais pas, c’est à elle de voir, mais l’ambiance serait à n’en pas douter assez folle jusqu’aux derniers échanges.
Et après? On célèbre la qualification ou on se reconcentre directement sur les prochaines échéances? Après le match, c’est sûr, on fera la fête. Même en cas d’élimination, nous sommes au-delà de toutes nos espérances sportives. Le simple fait de disputer cette demi-finale est un accomplissement phénoménal. Si on passe… Après avoir remporté notre quart de finale, il y a eu une tournée de spritz à l’hôtel, puis un repas très joyeux, toutes ensemble, mais ensuite, avant même d’aller au lit, les joueuses sont passées entre les mains des physios. Voilà, ce sera la voie à suivre. Il faudra se remettre au travail sans tarder, car les play-off de la Ligue nationale A commencent ce week-end, nous sommes encore en lice en Coupe de Suisse, et même la finale de la CEV Cup sera imminente, avec un match aller le 13 mars à domicile.
A domicile, mais pas forcément à la Riveraine, trop petite selon le règlement de la CEV Cup… Le cahier des charges exige 2500 places assises. La Riveraine en compte 1600 en temps normal et, pour la demi-finale, nous avons poussé la capacité à 2000, grâce à des gradins provisoires. C’est un maximum, et on se rend bien compte que notre salle n’est pas faite pour une telle affluence. Alors nous en cherchons une autre au cas où.
Mais ce n’est pas facile, car toutes accueillent des équipes sportives ou des écoles. On a pensé à Saint-Léonard, mais Fribourg Olympic a un match de basket ce soir-là. Il y a des salles de unihockey dans le canton de Berne qui pourraient convenir, mais on a aussi essuyé des refus. D’un côté, on a conscience qu’on pourrait vendre plus de 2000 billets pour une finale européenne. De l’autre, si nous allons jouer à Zurich, pas sûr que nos supporters se déplacent. L’idée, à ce stade, c’est donc de convaincre la Confédération européenne de volleyball [CEV] que le meilleur endroit pour cette éventuelle finale, c’est la Riveraine, même si l’instance semble malheureusement préférer une grande salle aux trois quarts vide plutôt qu’une petite qui vibre.
En jouant à Neuchâtel, vous vous exposeriez à une amende. Oui, cette menace existe d’ailleurs déjà en demi-finale. Aujourd’hui, un délégué de la CEV sera présent, et s’il estime dans son rapport que la Riveraine n’est pas conforme aux standards de ce stade de la compétition, nous pourrions être sanctionnés financièrement.
C’est un comble, alors que participer à cette compétition européenne n’est déjà pas rentable pour le NUC… Exactement. Pour cette demi-finale, on touche 30 000 francs en tout, mais il a fallu payer les frais de déplacement du match aller: environ 12 000 francs pour l’avion et 8000 pour l’hôtel. Pour le retour, une partie des frais de production TV, 20 000 francs au total, est à notre charge, comme le séjour des arbitres et autres officiels. Avec les rentrées de la billetterie et de la cantine, on peut espérer une opération neutre sur cette double confrontation, mais sur l’ensemble de l’aventure européenne, on sait déjà qu’on ne s’y retrouvera pas.
Si une équipe de volleyball perd de l’argent en jouant l’Europe, qu’est-ce qu’elle y gagne? (Rires.) Parfois, je me pose la question… Plus sérieusement: cela positionne le club sur la carte du volleyball international. C’est important pour le recrutement des futures joueuses étrangères. Certaines ne viendraient pas chez nous sans la perspective de disputer une compétition internationale. Leurs agents nous connaissent de mieux en mieux, aussi, grâce à cette exposition.
La semaine dernière, Lauren Bertolacci relevait que les joueuses du Budowlani Lodz étaient «trois fois mieux payées» que les siennes. Comment attire-t-on des renforts en proposant des salaires modestes dans un pays où le coût de la vie est très élevé? Déjà, grâce à Lauren! C’est une formatrice très reconnue. Et si notre club n’est pas professionnel à 100%, ses structures le sont. Les joueuses qui acceptent de nous rejoindre voient le NUC comme un tremplin. Nous les plaçons dans un environnement très favorable à leur développement, ce qui peut leur permettre de décrocher un très bon contrat ailleurs par la suite.
Dans l’effectif, toutes ne vivent pas du volleyball? Non, ce n’est le cas que de nos quatre joueuses américaines et de deux Suissesses. Les autres sont étudiantes, la plupart à l’université, une au lycée, en quête de son bac. Dans l’avion qui nous ramenait de Pologne, elle avait ses bouquins pour préparer un test important. Voilà, c’est la réalité de notre sport en Suisse. Comment le club tourne-t-il? Difficilement! (Rires.) Nous avons un budget d’environ 600 000 francs, couvert à 70% par des partenaires privés. Il y a aussi un club de soutien de 120 membres et, comme tous les clubs, des fonds versés par la Loterie Romande. Pour finir, nous avons besoin de chaque franc issu de la billetterie et de la cantine: nous ne mandatons d’ailleurs pas de traiteur, tout est assuré par des bénévoles.
Cela n’empêche pas le NUC d’être champion de Suisse chaque année depuis 2019, sauf bien sûr en 2020 quand le championnat a été annulé. Que faites-vous de mieux que les autres? Je peux juste dire que nous avons une excellente coach, un staff compétent, un public merveilleux et que tout le monde s’engage à fond.
«Certaines joueuses ne viendraient pas sans la perspective de disputer une compétition internationale»
Vous avez en quelque sorte pris la place de Voléro Zurich, champion lors de treize des quatorze années précédentes… Sa place peut-être, mais pas sa philosophie. Voléro, c’était 3 millions de francs de budget et peu de responsabilités pour les joueuses locales. Nous, on souhaite au contraire les mettre en valeur, y compris sur la scène européenne.
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