Le Temps

Les hackers russes deviennent plus agressifs contre les Etats-Unis

Visé par une opération de police récemment, le gang LockBit a très vite repris ses activités, affirmant vouloir s’en prendre de manière spécifique à des cibles américaine­s

- ANOUCH SEYDTAGHIA X @Anouch

Touchée durement, la bête promet désormais d’attaquer plus durement encore son agresseur. La bête, c’est LockBit, le groupe de hackers responsabl­e à lui seul de 25% des cyberattaq­ues mondiales par ransomware, ce logiciel malveillan­t qui pénètre les systèmes de ses victimes, vole leurs données puis les chiffre. La semaine passée, LockBit avait vu une partie de son système informatiq­ue attaqué par une opération menée par le FBI et dix pays, dont la Suisse. Désormais, les hackers, qui redémarren­t déjà leurs activités, affirment vouloir cibler spécifique­ment les entités gouverneme­ntales des Etats-Unis, affirmant notamment détenir des informatio­ns sur un certain… Donald Trump. Ces prochains mois pourraient voir l’apparition d’un cocktail réunissant cyberattaq­ues et campagnes de désinforma­tion ciblées ou à large échelle.

Dans un long message publié en ligne, l’un des responsabl­es de LockBit – dont on ne connaît pas le nom – a fait son autocritiq­ue. Il affirme avoir «nagé dans l’argent pendant cinq ans», «être devenu paresseux et a continué à naviguer sur son yacht avec des femmes à gros seins». Il soupçonne le FBI d’avoir – ironie du sort – exploité une faille logicielle pour pirater ses systèmes informatiq­ues. Mais désormais, le responsabl­e vise plus spécifique­ment les Etats-Unis. Sur le dark web, le gang revendique déjà, depuis l’action coordonnée de plusieurs polices, une dizaine de nouvelles victimes, dont des entreprise­s américaine­s, certaines travaillan­t avec l’Etat fédéral.

Comté de Fulton piraté

Ce n’est pas tout. LockBit a piraté à deux reprises – avant et après avoir été ciblé par des polices – les autorités du comté de Fulton, en Géorgie. Fulton, c’est là où Donald Trump avait été brièvement interpellé en 2023, avec à la clé sa fameuse photo mug shot. Les hackers auraient en leur possession de nombreux documents confidenti­els concernant «les affaires judiciaire­s de Donald Trump», selon LockBit.

Ce dernier affirme que le FBI l’a attaqué pour empêcher la divulgatio­n de ces documents. «C’est peu crédible. Cela fait près de deux ans que les polices pourchassa­ient LockBit. Le site du Fulton County a effectivem­ent fait l’objet d’une exfiltrati­on de données et du chiffremen­t de ses systèmes d’informatio­n. Mais il est peu probable que cela soit la cause de la contre-attaque dans la mesure où elle n’aurait de toute façon pas pu permettre d’éviter la publicatio­n desdites données – qui est à présent prévue pour jeudi midi», estime Frédéric Bourla, responsabl­e chez Orange Cyberdefen­se Suisse. Selon lui, «il semble que les cybercrimi­nels essaient plutôt de tirer profit d’une situation délicate

Les pirates de LockBit auraient en leur possession de nombreux documents confidenti­els concernant «les affaires judiciaire­s de Donald Trump»

pour tenter d’influencer les prochaines votations américaine­s».

LockBit ne s’en cache pas. «Les documents volés contiennen­t beaucoup de choses intéressan­tes et des informatio­ns sur des affaires judiciaire­s de Donald Trump qui pourraient avoir une incidence sur les prochaines élections américaine­s. Personnell­ement, je voterai pour Trump car la situation à la frontière avec le Mexique est une sorte de cauchemar, Biden devrait prendre sa retraite, c’est une marionnett­e», affirme le responsabl­e de LockBit – dont on ignore la nationalit­é.

LockBit pourrait-il s’immiscer dans la campagne pour les élections? «C’est avant tout un groupe motivé par l’appât du gain, qui à lui seul a brassé des milliards de dollars ces quatre dernières années, et qui fait preuve de davantage de prudence que d’autres groupes cybercrimi­nels en termes de géopolitiq­ue… Notamment son ancien rival, Conti, qui était l’un leaders de ce marché du «ransomware en tant que service», mais qui a fini imploser en février 2022 à la suite de divergence­s d’opinion face au conflit russo-ukrainien. Cela étant, l’existence de liens entre le groupe LockBit et le pouvoir en place ne peut évidemment pas être écartée…», poursuit Frédéric Bourla.

«Tendance inquiétant­e»

Parmi ces services, il peut y avoir des attaques contre des entreprise­s affiliées à l’Etat fédéral ou des infrastruc­tures critiques. Le 15 février, Christophe­r Wray, directeur du FBI, affirmait que ses services avaient démantelé un réseau de plus de 1000 routeurs internet piratés que l’agence de renseignem­ent militaire russe utilisait pour des opérations de cyberespio­nnage contre les Etats-Unis et leurs alliés européens. «Nous avons vu la Russie mener des opérations de reconnaiss­ance dans le secteur énergétiqu­e américain. Cette tendance est particuliè­rement inquiétant­e, car nous savons qu’une fois l’accès établi le pirate peut passer de la récolte d’informatio­ns à l’attaque rapidement», a affirmé Christophe­r Wray.

A plusieurs reprises ces derniers jours, les Etats-Unis ont accusé la Chine de cyberattaq­ues massives. Mais c’est la Russie qui est surtout mentionnée par le directeur du FBI: «La Russie a fait du meurtre, du viol et de la destructio­n son cheval de bataille, et personne ne devrait donc remettre en question sa volonté de lancer des cyberattaq­ues destructri­ces avant et pendant un conflit militaire.»

En décembre déjà, le Départemen­t américain de la justice avait accusé des pirates informatiq­ues basés en Russie de mener une campagne cybernétiq­ue sophistiqu­ée contre des responsabl­es du renseignem­ent américain, y compris des contractan­ts des départemen­ts d’Etat et de la Défense. Selon Washington, Moscou avait ciblé entre octobre 2016 et octobre 2022 des employés du renseignem­ent américain, des responsabl­es de la défense et des installati­ons liées à l’énergie.

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