Viande hachée au menu du Tribunal pénal fédéral
Appelée à se pencher sur une banale affaire de fraude douanière, la Cour des plaintes autorise la fouille du téléphone portable d’un exploitant d’un food truck peu enclin à déclarer ses marchandises
Entre perquisition dans une affaire de corruption d’agent public étranger ou récusation dans un dossier de crimes de guerre, voici que la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral est appelée à se pencher sur une histoire beaucoup plus anecdotique. Celle d’un food truck bien local dont l’exploitant prenait visiblement des libertés avec les taxes douanières. Dans une décision, datée du 14 février et publiée hier, les juges acceptent de lever les scellés sur le téléphone portable de l’intéressé, estimant que la perquisition de ces données «est le seul moyen pour découvrir la vérité».
Dans le coffre du tribunal
Le 16 décembre 2023, le propriétaire du food truck, qui proposait hamburgers, tacos, frites, salades et glaces, a fait l’objet d’un contrôle par une patrouille de l’Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF). Dans son véhicule, il transportait 86,9 kg de viandes et préparations de viandes, 14 litres d’huile de tournesol, 8,2 kg de mozzarellas, 33,1 litres de sauces ainsi que 71,3 litres de boissons sucrées d’une valeur totale, dit l’arrêt, de… 750 euros. Ces marchandises provenant de France n’ont pas été déclarées lors du franchissement de la frontière.
Après avoir tout saisi et détruit les denrées périssables, soit les viandes et les fromages, l’OFDF a ouvert une enquête en droit pénal administratif. Entendu, l’exploitant a reconnu n’avoir jamais eu l’intention de dédouaner les aliments importés tout en s’opposant à la perquisition de son téléphone portable. Il a requis des scellés sur son appareil, le temps de consulter son avocate, et a confirmé son opposition par courriel.
Pas de quoi décourager l’OFDF qui a adressé, le 4 janvier dernier, une demande de levée de scellés à la Cour des plaintes et obtenu l’autorisation d’envoyer le téléphone à Fedpol pour obtenir une copie miroir qui a également pris le chemin du coffre du Tribunal pénal fédéral. Invité à se déterminer, l’exploitant ne s’est plus manifesté à l’intention des juges.
L’arrêt commence par rappeler tout ce que risque celui qui dissimule des marchandises. Soit une amende pouvant atteindre le quintuple du montant des droits de douane soustraits, ou davantage en cas de circonstances aggravantes. Une peine privative de liberté d’un an au plus peut également être prononcée. Sans oublier les sanctions pour infractions à la législation sur la TVA.
Il transportait 86,9 kg de viandes, 14 litres d’huile de tournesol, 8,2 kg de mozzarellas, 33,1 litres de sauces et 71,3 litres de boissons sucrées
S’agissant de la levée des scellés, la décision souligne que Monsieur food truck a objectivement réalisé les éléments constitutifs des soustractions et «qu’il est par ailleurs vraisemblable que cela ne soit pas la première fois». Aucune facture n’ayant été retrouvée dans le véhicule en question, «il est fort probable que des informations déterminantes pour l’enquête soient consignées dans son téléphone portable tels des indices d’achat de marchandise en Suisse ou à l’étranger ainsi que leur éventuelle importation sans annonce préalable». Il apparaît donc admissible que le contenu de cet appareil soit fouillé, concluent les juges, ce d’autant plus que son détenteur n’a fait valoir aucun secret digne de protection.
Pour avoir perdu sur ces scellés (un recours au Tribunal fédéral est encore possible), l’intéressé devra s’acquitter de 2000 francs d’émoluments. En attendant la douloureuse qui se profile. ■