Le Temps

Visite politique au Salon de l’auto de Genève

Le conseiller fédéral Albert Rösti et le président du Conseil d’Etat du bout du lac, Antonio Hodgers, sont allés à Palexpo hier. L’événement «fait partie de l’ADN du canton», selon le second

- RICHARD ÉTIENNE @rietienne

En début d’après-midi, au Salon de l’automobile de Genève, une délégation de politicien­s s’est arrêtée devant le stand de BYD. Le constructe­ur chinois lui a présenté son dernier bijou, le Yangwang U8. Un SUV électrique géant (5,3 mètres de long, 2 de large et de haut), capable de gravir des dunes et d’aller «sur le lac Léman pour sauver des gens de la noyade», se félicitait lundi Michael Shu, le directeur opérationn­el de BYD. Car la chose peut aussi flotter.

Ce mélange des genres entre une Range Rover et une Defender dispose de quatre moteurs électrique­s, chacun entraînant une roue. De quoi le propulser de 0 à 100 km/h en 3,6 secondes et lui fournir une puissance de 1200 chevaux. A vide, le monstre pèse 3,5 tonnes. Il flirte donc avec la limite du permis B.

Voiture «en voie d’adaptation»

Un tel véhicule est-il écologique? Nous avons sondé les membres de la délégation, en jouant des coudes pour pouvoir les aborder. «Je ne sais pas, avezvous vu son bilan carbone?» a botté en touche Antonio Hodgers, le président du Conseil d’Etat genevois, le premier à qui nous avons pu poser la question. «Il faut une bonne voiture pour un bon usage. Celui-ci n’est certaineme­nt pas adapté pour la ville, mais pour la montagne ou le lac», a souri Albert Rösti, le conseiller fédéral chargé des Transports, de l’Environnem­ent et de l’Energie.

«Tout dépend de si l’électricit­é est propre. Maintenant, plus un véhicule est gros, plus il mobilise de matériaux pour le construire et il faut voir dans quelle condition ils sont produits», estime Vincent Subilia, le directeur de la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève, qui figurait dans le cortège. «C’est un flagship.» L’arbre qui cache la forêt car BYD vend surtout des modèles plus petits ou des bus électrique­s. Le patron de la CCIG était d’ailleurs à Shenzhen en novembre pour visiter les usines du constructe­ur chinois et il en est revenu convaincu: «Là-bas, quasiment tous les transports publics sont électrique­s.»

La délégation venait d’inaugurer le salon. Dans un discours à cette occasion, Antonio Hodgers a salué son retour après quatre ans d’absence. «Il fait partie de l’ADN de Genève, comme le Jet d’eau, l’horlogerie, les Nations unies et les embouteill­ages», a-t-il dit en relevant qu’en 1905, année de sa première édition, Genève était le canton avec le plus de voitures (il y en avait 400). «Aujourd’hui, trop de mobilité individuel­le tue la mobilité. La voiture doit trouver sa place, elle n’est pas en voie de disparitio­n mais d’adaptation», a-t-il affirmé en précisant qu’il circule surtout à vélo.

Albert Rösti (UDC/BE) s’est dit d’accord avec Antonio Hodgers (VE/GE), «même si où j’habite, je suis plus dépendant de la voiture». «Si nous voulons miser sur le tout électrique, il faut compter sur un approvisio­nnement sûr en la matière. Les centrales nucléaires devant être mises à l’arrêt d’ici à 2050, il faut développer les renouvelab­les comme le prévoit le Mantelerla­ss [une nouvelle loi sur l’énergie, ndlr]. Je compte sur votre soutien pour la votation du 9 juin», a-t-il indiqué. Ce jour-là, le peuple sera amené à se prononcer sur ce texte.

Quant à la direction du salon, représenté­e par son directeur Sandro Mesquita et son président Alexandre de Senarclens durant la cérémonie, elle a évoqué un «nouveau départ après quatre ans jalonnés de défis et de doutes». Elle a parlé d’une «opportunit­é de réinventer le salon» et voit en lui «un acteur clé de la mise en lumière des enjeux soulevés par la transforma­tion de la mobilité».

Double transition

Dans l’industrie automobile, pas besoin de se promener longtemps à Palexpo pour constater que la transition est double: vers l’électrique, et vers la Chine. Ici, tous les véhicules carburent aux électrons et les principaux stands sont chinois (portés par BYD, MG Motor ou Shenzer), tandis que les constructe­urs européens sont largement absents. Mais tant l’électricit­é que l’Empire du Milieu peuvent poser problème.

En Europe, ce vecteur, en plus de ne pas être toujours propre, risquait de manquer lors de la crise énergétiqu­e engendrée par la guerre en Ukraine. Depuis, les prix de l’électricit­é ont presque doublé en Suisse alors que ceux des carburants sont inchangés, selon un indice de Comparis publié hier. «L’écart entre les coûts opérationn­els des voitures électrique­s et ceux des voitures thermiques s’est donc réduit, ce qui pourrait freiner la transition vers l’électromob­ilité», estime Dirk Renkert, expert argent chez Comparis. «Mais il faut tenir compte d’autres facteurs, comme les frais d’entretien qui restent nettement plus élevés pour les véhicules thermiques, signalet-il. Rouler électrique reste plus avantageux.»

Quant à l’essor de la Chine, il inquiète. Ses fabricants ont conquis 6% du marché des véhicules électrique en Europe en 2023, selon l’Associatio­n des constructe­urs européens d’automobile­s, une part en croissance qui inquiète à Bruxelles. La Commission européenne a ouvert en septembre une enquête sur des subvention­s présumées illégales de Pékin dans ce cadre. Les constructe­urs chinois, eux, disent vouloir collaborer davantage avec leurs homologues en Europe pour accélérer la transition énergétiqu­e.

 ?? (GENÈVE, 27 FÉVRIER 2024/KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI) ?? Albert Rösti, à gauche, et Antonio Hodgers, à droite, lors de la cérémonie d’ouverture du salon.
(GENÈVE, 27 FÉVRIER 2024/KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI) Albert Rösti, à gauche, et Antonio Hodgers, à droite, lors de la cérémonie d’ouverture du salon.

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