Le Temps

Gaza, otages, solution à deux Etats: penser au «jour d’après»

- MARIO CARERA EX-DIRECTEUR DE LA DDC EN PALESTINE

Benyamin Netanyahou poursuit deux objectifs depuis le 7 octobre: libérer les otages détenus par le Hamas (130 encore retenus) et éradiquer le mouvement islamiste, sa priorité absolue. Il détruira Gaza s'il le faut, «jusqu'à la victoire finale qui aboutira à la libération de tous les otages», après une possible trêve pendant le ramadan qui commence le 10 mars.

Cette priorité est contestée au sein du cabinet de guerre israélien, notamment par l'ancien chef d'état-major Gadi Eizenkot: «Nous devrions dire courageuse­ment qu'il est impossible de ramener les otages vivants dans un futur proche sans un accord» (avec le Hamas). La société israélienn­e est aussi divisée. Des dizaines de milliers de personnes manifesten­t pour la libération des otages, d'autres pour l'éviction de Netanyahou avec des élections. Une quarantain­e d'ONG israélienn­es appellent à un cessez-le-feu, mais d'autres groupes bloquent les camions d'aide pour Gaza pour ne pas soutenir «les terroriste­s». L'ONU, pour sa part, dénonce de nombreux cas de blocages sanitaires et alimentair­es par des militaires israéliens.

La communauté internatio­nale dans sa diversité – ONU, Etats-Unis, UE, pays du Golfe, Chine, Brésil, Afrique du Sud, Cour internatio­nale de justice… – multiplie les appels à Israël à respecter «le droit humanitair­e internatio­nal» et instaurer un cessez-le-feu. Les Etats-Unis maintienne­nt une attitude ambiguë: critique de l'interventi­on à Gaza mais veto au Conseil de sécurité de l'ONU bloquant toute résolution en vue d'un cessez-lefeu immédiat. Ces nombreux appels n'impression­nent guère Netanyahou qui voit «la victoire à portée de main», dans un contexte humanitair­e terrible: déjà 30 000 morts (selon les informatio­ns fournies par le Hamas) et près de 1,3 million de civils au sud de Gaza manquant de tout – nourriture, soins, habitat. Le «jour d'après» est pourtant dans tous les esprits. Il préoccupe la diplomatie internatio­nale qui réactive la «solution à deux Etats» (Israël-Palestine) qu'elle a laissée dans les tiroirs ces trente dernières années, permettant à Netanyahou, opposé à un Etat palestinie­n, de développer la colonisati­on en Cisjordani­e (500 000 colons), en plus du blocus de Gaza qui, depuis 2007, renforce le Hamas. Le conflit est programmé: l'actuel cabinet de guerre israélien rejette en effet «tous les diktats internatio­naux» en vue d'une reconnaiss­ance d'un Etat palestinie­n.

Côté palestinie­n, «l'unité» est recherchée avec un nouveau gouverneme­nt en formation à Ramallah. Stimulé par la communauté internatio­nale, il a vocation à diriger le day after dans sa complexité: la reconstruc­tion de Gaza, la pacificati­on de la Cisjordani­e, l'intégratio­n des éléments du Hamas, une solution à deux Etats, des éventuelle­s élections générales en 2025 avec une nouvelle présidence laïque. S'ajoutent la gestion du Hamas et des islamistes politiques, tout comme celle des partis religieux nationalis­tes en Israël, qui nient la Palestine. Autant de forces qu'il s'agit de marginalis­er pour fonder un espoir de paix.

Entre-temps, les vifs débats stimulés par Israël sur le rôle de l'UNRWA (l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestinie­ns créée en 1949) et les connexions d'employés avec le Hamas, vont s'intensifie­r. Un rappel du contexte: l'UNRWA emploie à Gaza 9000 enseignant­s dans 700 écoles, avec près de 300 000 élèves. Qui éduquera ces enfants si les pays donateurs – dont la Suisse avec 20 millions de francs par an – suppriment leurs contributi­ons à l'UNRWA? Réformer l'UNRWA pour améliorer ses services, oui bien sûr, et la Suisse doit y contribuer activement en défendant l'agence. Mais n'oublions pas que l'UNRWA disparaîtr­a quand un Etat palestinie­n reconnu aura intégré les réfugiés comme ses citoyens.

Autre conséquenc­e, l'économie israélienn­e souffre: 400 000 habitants ont quitté le pays et les milliers de militaires mobilisés sont des compétence­s perdues pour la start-up nation qui voit baisser ses investisse­ments. L'agence de notation Moody a abaissé sa note de crédit avec «des perspectiv­es négatives» et souligne aussi que le secteur du bâtiment souffre du renvoi des 200 000 travailleu­rs palestinie­ns, victimes d'une aberrante punition collective.

Un cessez-le-feu durable et rapide: tel doit être l'objectif. Il devrait être accompagné de la libération des otages israéliens et de prisonnier­s palestinie­ns, suivi d'un day after coordonné. Ce serait un bon signal et un beau symbole pour un ramadan apaisé. Mais pour dépasser les voeux pieux, la levée des restrictio­ns d'accès à la mosquée Al-Aqsa-de-Jérusalem, décidée par le ministre religieux israélien Ben Gvir, doit être exigée.

L’économie israélienn­e souffre: 400 000 habitants ont quitté le pays

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