Le Temps

A Berlin, l’espoir d’une paix au Haut-Karabakh

Cinq mois après l’opération éclair de l’Azerbaïdja­n, les représenta­nts arméniens et azéris se retrouvent en Allemagne. Une reprise des négociatio­ns saluée mais complexe

- DELPHINE NERBOLLIER, BERLIN X @delphnerbo­llier

C’est à Berlin que les ministres arménien et azerbaïdja­nais des Affaires étrangères se sont retrouvés mercredi, et pour deux jours, afin de relancer les négociatio­ns de paix entre leurs deux pays. Ararat Mirzoyan et Djeyhoun Baïramov y ont rencontré, de manière séparée, leur collègue allemande Annalena Baerbock, avant un entretien à trois.

Ces négociatio­ns visent à avancer vers un traité de paix incluant la très épineuse question du Haut-Karabakh. Officielle­ment reconnue par le droit internatio­nal comme faisant partie de l’Azerbaïdja­n, cette enclave peuplée d’Arméniens est à l’origine de deux guerres entre Bakou et Erevan, l’une dans les années 1990 et la dernière en 2020. Malgré de nombreuses médiations, aucun traité de paix n’a pu être signé depuis. Or, entre-temps la donne a changé avec l’opération éclair de Bakou dans cette enclave en septembre dernier à l’issue de laquelle 100 000 Arméniens ont fui le Haut-Karabakh. Sur le terrain, la situation reste tendue, avec des accrochage­s et plusieurs morts à la frontière.

«Renforcer la confiance»

La reprise des négociatio­ns de paix est d’autant plus importante que Bakou, en position de force depuis septembre, a refusé de participer à plusieurs rounds des négociatio­ns de paix à Bruxelles, Grenade ou encore aux Etats-Unis. En décembre toutefois, Erevan et Bakou ont signé une déclaratio­n commune dans laquelle ils s’engagent à prendre «des mesures concrètes visant à renforcer la confiance», à «normaliser leurs liens et à signer un accord de paix». Comme le rappelait Annalena Baerbock ce mercredi, les deux parties ont convenu de «résoudre les différends existants exclusivem­ent par des moyens pacifiques et sans recours à la force». «Il y a désormais une possibilit­é de paix durable au Haut-Karabakh», a-telle ajouté.

Du point de vue allemand, la reprise de ces négociatio­ns est un joli coup. En novembre, lors d’une visite dans ces deux pays, Annalena Baerbock avait plaidé en faveur de la reprise du dialogue sous l’égide de l’Allemagne. L’offre a été acceptée le 17 février dernier, en marge de la Conférence sur la sécurité de Munich, grâce à une rencontre orchestrée par le chancelier, Olaf Scholz, entre le président azéri, Ilham Aliev, et le premier ministre arménien, Nikol Pachinian.

«De toutes les capitales de l’UE, Berlin est sans doute actuelleme­nt le lieu le plus approprié pour les deux parties en présence», confirme Marcel Röthig, directeur du bureau Caucase à la Fondation Friedrich Ebert. «Paris n’est pas acceptable aux yeux de l’Azerbaïdja­n en raison de son soutien militaire à l’Arménie. Quant aux médiations de l’UE, animées par Charles Michel, elles se sont essoufflée­s et ne constituen­t pas un format durable en raison des prochaines élections européenne­s. De plus, l’UE et Bakou se sont récemment brouillés, notamment à cause de la mission d’observatio­n de l’UE en Arménie. Il ne reste donc que l’Allemagne qui entretient de bonnes relations avec les deux parties», constate ce spécialist­e basé en Géorgie.

Sur le terrain, la situation reste tendue

L’année dernière, l’Allemagne a en effet signé un accord gouverneme­ntal de coopératio­n bilatérale avec l’Arménie et c’est un Allemand qui dirige la mission d’observatio­n de l’Union européenne. En parallèle, Berlin intensifie ses relations économique­s avec Bakou. «Des trois pays du Caucase du Sud, c’est probableme­nt en Azerbaïdja­n que les entreprise­s allemandes sont le plus engagées», note Marcel Röthig.

Un scepticism­e ambiant

Ces négociatio­ns ont-elles une chance d’aboutir? Le scepticism­e semble de mise vu la complexité des thèmes abordés. «En Arménie, on craint une attaque de l’Azerbaïdja­n dans le sud du pays au printemps. Erevan propose donc une déclaratio­n de renonciati­on mutuelle à la violence, voire un désengagem­ent des équipement­s militaires des deux parties le long de la frontière», commente Marcel Röthig. «De son côté, l’Azerbaïdja­n revendique la restitutio­n d’exclaves inhabitées depuis les années 1990, un corridor extraterri­torial à travers le sud de l’Arménie vers le Nakhitchev­an et une nouvelle Constituti­on arménienne, car l’actuelle fait référence au Haut-Karabakh dans son préambule», énumère ce spécialist­e. «Je ne m’attendrais donc pas à un grand coup de théâtre», reconnaît-il.

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