Le Temps

«Un gouverneme­nt de coalition avec le Hamas serait boycotté»

Le chef de la diplomatie palestinie­nne Riyad al-Maliki s’est exprimé hier devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève. Il ne s’attend pas à des miracles de la réunion intra-palestinie­nne prévue à Moscou. Mais il appelle à soutenir un gouvern

- STÉPHANE BUSSARD X @StephaneBu­ssard

Alors que les Américains, certains Etats européens et arabes parlent de la nécessité de revitalisa­tion de l’Autorité palestinie­nne, la récente démission du premier ministre, Mohammad Shtayyeh, pourrait être l’occasion à saisir. Venu mercredi s’adresser au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, le chef de la diplomatie palestinie­nne, Riyad al-Maliki, a rencontré des journalist­es de l’Acanu, l’associatio­n des correspond­ants du Palais des Nations.

«Il est faux de dire que le Hamas contrôlait tout»

Il le souligne: «Nous essayons de comprendre ce que ce concept de revitalisa­tion implique. Pour qu’un nouveau gouverneme­nt puisse agir, il faut toutefois que des changement­s intervienn­ent sur le terrain. Avec l’occupation, l’Autorité palestinie­nne est dans l’incapacité de vraiment gouverner.» A l’aube d’une rencontre intra-palestinie­nne orchestrée par la Russie qui doit se tenir du 29 février au 2 mars à Moscou, Riyad al-Maliki met en garde: «Nous ne nous attendons pas à un miracle de Moscou.»

Mais pour le chef de la diplomatie, il est hors de question de former un gouverneme­nt de coalition avec le Hamas. Il serait immédiatem­ent boycotté et ce n’est pas ce que nous souhaitons. Nous voulons coopérer pleinement avec la communauté internatio­nale. Nous avons besoin d’un gouverneme­nt technique.» Si le premier ministre palestinie­n a démissionn­é, c’est pour «ne pas apparaître comme un obstacle» dans la revitalisa­tion de l’Autorité palestinie­nne.

Le contexte demeure délétère, les opérations israélienn­es à Gaza étant toujours en cours. Pour Riyad al-Maliki, il ne fait aucun doute que le futur gouverneme­nt palestinie­n devra gouverner non seulement en Cisjordani­e et à Jérusalem-Est, mais aussi dans la bande de Gaza. Bien qu’il appelle la prise de contrôle de Gaza par le Hamas un «coup d’Etat militaire», le ministre réfute le discours selon lequel l’Autorité palestinie­nne aurait été complèteme­nt absente de l’enclave: «Nous avons toujours été à Gaza; 40% du budget de l’Autorité palestinie­nne y étaient consacrés. Nous avons aussi payé 60 000 fonctionna­ires, émis des passeports, investi dans des infrastruc­tures. Il est faux de dire que le Hamas contrôlait tout.» Les responsabl­es de l’Autorité palestinie­nne admettent qu’il est difficile d’avoir le moindre contact avec le Hamas. Riyad al-Maliki espère simplement que le mouvement islamiste montre de la compréhens­ion pour un futur gouverneme­nt technique.

La situation n’évoluera toutefois pas tant qu’il n’y aura pas de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. Une perspectiv­e qui paraît encore lointaine. Le ministre des Affaires étrangères nourrit néanmoins des espoirs pour la suite. Avec un nouveau gouverneme­nt, dit-il, il pourrait y avoir une grande conférence internatio­nale pour élaborer un «plan Marshall» pour reconstrui­re Gaza et des pourparler­s pour développer un vrai plan sécuritair­e où il n’y aurait aucun soldat israélien tant à Gaza qu’en Cisjordani­e.

Gaza inhabitabl­e

Riyad al-Maliki convient néanmoins que des questions plus pressantes le préoccupen­t. «Benyamin Netanyahou [premier ministre israélien, ndlr] a des objectifs de guerre inavoués, analyse le chef de la diplomatie palestinie­nne. Il veut continuer la guerre et rendre Gaza inhabitabl­e. Il est en train de réussir. Il a déjà forcé les Gazaouis à évacuer le nord pour se rendre au sud de Gaza. Il veut transforme­r le nord en une zone tampon et enfin il souhaite chasser tous les Gazaouis vers le Sinaï égyptien. Sa méthode? Il utilise une nouvelle arme contre les civils palestinie­ns: il les prive d’eau, de nourriture, de médicament­s et d’aide humanitair­e. Ils n’auront bientôt plus le choix: ils devront quitter pour survivre.»

La moribonde solution à deux Etats que certains essaient malgré tout de raviver reste pour Riyad al-Maliki la seule manière de trouver une issue à un conflit qui déchire le Proche-Orient depuis trois quarts de siècle. Et un Etat binational comme l’appelle de ses voeux l’historien israélien Shlomo Sand? «Ce n’est pas envisageab­le. Les Arabes israéliens sont déjà des citoyens de seconde zone. Même majoritair­es, les Palestinie­ns aurontils des droits égaux à ceux des Israéliens? J’en doute.»

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(DEIR AL-BALAH, 27 FÉVRIER 2024/ MOHAMMED SABER/EPA) Des réfugiés palestinie­ns au sud de la bande de Gaza.
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RIYAD AL-MALIKI CHEF DE LA DIPLOMATIE PALESTINIE­NNE

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