La crainte d’une mainmise américaine
C’est un coup dur pour les défenseurs d’une souveraineté numérique à l’échelle européenne. L’annonce mardi d’un partenariat entre Microsoft et Mistral AI a fait l’effet d’une douche froide. Une collaboration qui soulève des questions sur l’indépendance future de celle qui se rêve en alternative européenne face aux géants américains.
Simultanément, l’entreprise a lancé un nouveau modèle de langage censé rivaliser avec GPT-4 d’OpenAI, intitulé Mistral Large. Ce dernier reposera sur une licence propriétaire, alors que les précédents modèles publiés par la start-up étaient open source – leur code était accessible publiquement et pouvait être adapté librement. Cette décision pose la question du changement de culture qui va s’opérer à la suite de ce partenariat.
Le cofondateur de Mistral AI, Arthur Mensch, a assuré au Monde que ce partenariat avec Microsoft répond avant tout à des enjeux de distribution, et ne remet nullement en cause l’indépendance de l’entreprise. Certes, l’investissement de 15 millions d’euros du géant américain n’est pas significatif en regard de la valorisation de la start-up, estimée à 2 milliards d’euros. Mais croire que Microsoft n’a pas l’intention de jouer un rôle dans les développements futurs de Mistral AI serait naïf.
De nombreuses voix estiment que le Vieux-Continent doit se doter de champions européens en matière d’intelligence artificielle pour concurrencer les acteurs américains et chinois. Mais le cas de Mistral AI démontre une fois de plus que l’ambition ne résiste pas à la réalité des faits. Les géants américains ont l’habitude de prendre des participations partout où une concurrence pourrait naître, afin de la tuer dans l’oeuf.
Il est encore trop tôt pour affirmer que ce schéma a vocation à se reproduire avec Mistral AI, mais le scénario ne saurait être exclu sur la base des seules affirmations de la direction de l’entreprise. L’Europe cherche à renforcer son autonomie stratégique en pariant sur les règles du libre marché, alors que les Américains et les Chinois multiplient les démarches protectionnistes. Les autorités européennes vont examiner le partenariat entre Mistral AI et Microsoft. Reste à savoir si elles en tireront des leçons pour le futur. ▅