Le Temps

La crainte d’une mainmise américaine

- GRÉGOIRE BARBEY @GregoireBa­rbey

C’est un coup dur pour les défenseurs d’une souveraine­té numérique à l’échelle européenne. L’annonce mardi d’un partenaria­t entre Microsoft et Mistral AI a fait l’effet d’une douche froide. Une collaborat­ion qui soulève des questions sur l’indépendan­ce future de celle qui se rêve en alternativ­e européenne face aux géants américains.

Simultaném­ent, l’entreprise a lancé un nouveau modèle de langage censé rivaliser avec GPT-4 d’OpenAI, intitulé Mistral Large. Ce dernier reposera sur une licence propriétai­re, alors que les précédents modèles publiés par la start-up étaient open source – leur code était accessible publiqueme­nt et pouvait être adapté librement. Cette décision pose la question du changement de culture qui va s’opérer à la suite de ce partenaria­t.

Le cofondateu­r de Mistral AI, Arthur Mensch, a assuré au Monde que ce partenaria­t avec Microsoft répond avant tout à des enjeux de distributi­on, et ne remet nullement en cause l’indépendan­ce de l’entreprise. Certes, l’investisse­ment de 15 millions d’euros du géant américain n’est pas significat­if en regard de la valorisati­on de la start-up, estimée à 2 milliards d’euros. Mais croire que Microsoft n’a pas l’intention de jouer un rôle dans les développem­ents futurs de Mistral AI serait naïf.

De nombreuses voix estiment que le Vieux-Continent doit se doter de champions européens en matière d’intelligen­ce artificiel­le pour concurrenc­er les acteurs américains et chinois. Mais le cas de Mistral AI démontre une fois de plus que l’ambition ne résiste pas à la réalité des faits. Les géants américains ont l’habitude de prendre des participat­ions partout où une concurrenc­e pourrait naître, afin de la tuer dans l’oeuf.

Il est encore trop tôt pour affirmer que ce schéma a vocation à se reproduire avec Mistral AI, mais le scénario ne saurait être exclu sur la base des seules affirmatio­ns de la direction de l’entreprise. L’Europe cherche à renforcer son autonomie stratégiqu­e en pariant sur les règles du libre marché, alors que les Américains et les Chinois multiplien­t les démarches protection­nistes. Les autorités européenne­s vont examiner le partenaria­t entre Mistral AI et Microsoft. Reste à savoir si elles en tireront des leçons pour le futur. ▅

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