Le Temps

A Boulimie, l’honnêteté conjugale fessée en riant

Pourquoi, dans le couple, veut-on toujours tout savoir? se demande «On ne se mentira jamais», à Boulimie jusqu’au 16 mars, avant une grande tournée romande

- MARIE-PIERRE GENECAND

Votre couple vacille? Pas sûr que vous alliez voir On ne se mentira jamais en amoureux. Ou alors préparez-vous à quelques vagues (à l’âme) à la sortie… Car le texte d’Eric Assous ne rigole pas. Ou plutôt, il rigole au début, mais moins à la fin. Ce qui n’empêche pas un ping-pong verbal de haut vol entre Brigitte Rosset et Marc Donnet-Monay.

Sous la direction dynamique de Christian Scheidt, les deux comiques jouent un couple de 25 ans d’âge qui se confronte au tsunami de la jalousie et en ressort essoré. Mais pourquoi veut-on toujours tout savoir? interroge ce spectacle à l’affiche du Théâtre Boulimie, à Lausanne, jusqu’au 16 mars, avant une copieuse tournée romande.

Serge et Marianne sont heureux. Après un quart de siècle, ils s’aiment comme au premier jour, respirent la santé et Maxime, leur fils de 20 ans, s’apprête à rentrer d’un séjour à Sacramento où il a parfait sa formation universita­ire. Autrement dit, le paradis.

Sauf que Marianne n’est pas sereine. Elle sent quelque chose d’«enkysté» dans l’inconscien­t conjugal. Ou alors, elle a un grain. Car, à la faveur d’un mini-accident de voiture, elle exhume du passé une possible passade de son mari avec la sublime Sophie et creuse, creuse, creuse pour savoir ce qu’il s’est réellement passé entre eux, il y a 25 ans, et ce qu’il reste de cette amourette dans le coeur de Serge.

Apte ou pas à la vérité

En fait, soyons juste. Si l’épouse s’acharne, c’est qu’elle ne découvre que par bribes le fin mot de ce crush. Et vit mal le fait d’avoir été dupée. Pourquoi Serge a-t-il avancé masqué? «Car tout le monde n’est pas apte à gérer la vérité», répond l’époux, qui prétend avoir voulu protéger sa moitié dont il connaît la susceptibi­lité. Hum. L’argument, suspect, ne manquera pas d’alerter ladite moitié qui, au final, se révélera plus stratégiqu­e que volcanique.

Du boulevard au drame

Le bonheur de ce spectacle? L’échange de la première partie où Brigitte Rosset excelle dans l’investigat­ion forcenée. A peine une porte de la suspicion est-elle refermée par un Marc Donnet-Monay faisant l’innocent que l’obstinée en ouvre une autre d’un coup de pied musclé et recommence à fouiller. Le public éclate de rire à chaque relance salée et savoure cette escalade de la parano conjugale. Le texte d’Eric Assous, qui a reçu un Molière en 2015, est, à cet égard, parfaiteme­nt balancé. On se pince devant tant d’excès fouineur avant de réaliser que cette soif d’infos n’était peut-être pas si injustifié­e…

A la mise en scène, Christian Scheidt renforce l’effet comique du ping-pong verbal en insistant sur le contraste physique entre les deux époux. Face à Brigitte Rosset, balle magique qui rebondit en tous sens dans l’appartemen­t coquet (scénograph­ie de Cédric Matthey), Marc Donnet-Monay fige son grand corps dégingandé dans une forme d’impassibil­ité. Comme s’il jouait la montre et encaissait les coups.

La musique d’Olivier Gabus contribue, elle, au suspense de la soirée. Plus le climat devient tendu, plus la bande-son regarde du côté du thriller et ajoute de la tension à la situation. Au fil de ce texte qui avance par boucles progressiv­es – mais parfois un peu trop répétitive­s – sur les thèmes de la vérité et de l’honnêteté, on passe ainsi d’un boulevard piquant et léger à un drame conjugal tout aussi piquant, mais plus désenchant­é. Voilà pourquoi les couples du public ne sont pas épargnés. ■

On ne se mentira jamais, jusqu’au 16 mars, Théâtre Boulimie, Lausanne. Puis grande tournée romande dont Genève en mai.

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