Le Temps

A Fribourg, un copieux buffet cinéphiliq­ue

En mars, la 38e édition du FIFF fera notamment le grand écart entre le cinéma de Macédoine du Nord et la culture hip-hop

- STÉPHANE GOBBO @stephgobbo

D’abord, la froideur des chiffres: 100 courts et longs métrages en provenance de 49 pays, répartis dans 13 sections pour un total de 230 séances publiques.

Ensuite, la chaleur des promesses: du 15 au 24 mars, la 38e édition du Festival internatio­nal du film de Fribourg (FIFF) fera le grand écart entre le cinéma de Macédoine du Nord et des films traitant de la culture hiphop, projettera des films iraniens sélectionn­és par l’actrice iranienne en exil Golshifteh Farahani et offrira une carte blanche au réalisateu­r français Michel Gondry. Reconduisa­nt en outre son programme «Un film, un repas» (une projection suivie d’un menu inspiré de son univers), la manifestat­ion invite à un copieux buffet cinéphiliq­ue qui donne envie de tout goûter.

Commençons par la Macédoine, fruit des repérages effectués l’an dernier par Thierry Jobin dans les grands festivals internatio­naux. «A ma connaissan­ce, nous proposons le premier panorama jamais consacré à ce petit pays, avance le directeur artistique du FIFF. Il y a trois films qui ont d’abord attiré mon attention: Housekeepi­ng for Beginners, sélectionn­é à Venise et traitant de l’homosexual­ité féminine, ainsi que The Happiest Man in the World et God Exists, Her Name is Petrunya, deux réalisatio­ns de Teona Strugar Mitevska, qui fera partie du jury des courts métrages. Ces trois titres sont d’une qualité telle qu’il était évident de consacrer la section Nouveau Territoire à la Macédoine du Nord.»

Humour absurde et digression­s poétiques

Le pays est jeune et compte à peine plus de 1,8 million d’habitants, ce qui pousse l’ancien critique à souligner que la manière dont sa cinématogr­aphie s’est développée depuis le Lion d’or vénitien attribué en 1994 à Milcho Manchevski pour Before the Rain est «une sacrée leçon, notamment pour le cinéma suisse. On trouve une espèce d’humour absurde qu’on peut aussi avoir en Moldavie [pays à l’honneur en 2023] et qui est assez typique des Balkans, avec une ironie face à la dureté de la vie. Un humour qui peut rappeler Kusturica, avec de belles digression­s poétiques et des sujets très forts.»

Des sujets forts, il y en a également dans la section Cinéma de genre, dédiée cette année à la culture hiphop – rap, graffiti et danses urbaines. L’occasion de voir comment celle-ci a essaimé à travers le monde depuis son émergence dans le New York de la fin des années 1970, avec entre autres des production­s coréenne, colombienn­e, marocaine, allemande ou italienne.

Et aussi, comme c’est désormais la coutume à Fribourg, avec en bonus les choix du public, qui a pu voter pour les films qu’il aimerait voir parmi une vaste liste de propositio­ns. Ont notamment été plébiscité­s, sans surprise, le fondateur Do The Right Thing de Spike Lee (1989) ou le Scarface de Brian De Palma (1983), un film de gangsters qui n’a intrinsèqu­ement rien de hip-hop mais a eu une énorme influence sur plusieurs génération­s de rappeurs.

«Je viens d’Estonie et quand je suis arrivé en Suisse avec ma mère, on n’avait rien. J’avais 12 ans. Mais avec l’envie et la rage, j’ai réussi à me construire et à devenir ce que je suis. Et c’est ce qu’il a fait, Scarface», nous disait par exemple Stress en 2005. La Compétitio­n internatio­nale longs métrages, qui demeure la vitrine du FIFF et a vu défiler au fil des décennies de grands cinéastes qui ont depuis mené de belles carrières, réunit quant à elle 12 titres, avec une forte domination asiatique et notamment quatre production­s chinoises.

«Si on prend ces quatre films, mais ça vaut aussi pour l’ensemble de la sélection, je dirais qu’on a la compétitio­n la plus «joyeuse» – mettez bien les guillemets – depuis une dizaine d’années, commente Thierry Jobin. Il y a évidemment des récits qui sont sombres, parce que lorsqu’on va sur des continents comme l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine, l’humeur n’est pas forcément à la rigolade, mais il y a plusieurs films qui sont assez drôles, avec un sens de l’absurde qui renvoie d’ailleurs à la Macédoine du Nord. Que ce soit au Pérou avec Cuadrilate­ro ou en Chine avec Day Tripper, on trouve un humour qui peut rappeler Wes Anderson, Roy Andersson ou Jacques Tati. Disons que dans le monde dans lequel on vit, le rire est un peu la politesse du désespoir.» ■

38e Festival internatio­nal du film de Fribourg, du 15 au 24 mars.

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