Le Temps

Un dernier tango pour la route

Le réalisateu­r German Kral signe «Adios Buenos aires», une émouvante comédie dramatico-romantique se déroulant dans l’Argentine en crise du début des années 2000

- S.G.

Julio aime son pays, l’Argentine, mais il est persuadé qu’il n’y a aucun avenir. Son futur s’écrira à Berlin, où il a décidé de s’installer avec sa mère vieillissa­nte et Paula, sa fille adolescent­e. Les amis du groupe de tango avec lesquels il égaye les soirées d’un bar dépeuplé pensent que vouloir ainsi dire adieu à Buenos Aires s’apparente à de la traîtrise. Julio a le bandonéon triste, il joue les yeux dans le vague, perdus vers la promesse d’un ailleurs qu’il idéalise.

Mais les choses se compliquen­t: sa fille, amoureuse, n’a aucune envie de partir, tandis que la voiture qu’il devait vendre est démolie par Mariela, une chauffeuse de taxi qui a une fâcheuse tendance à brûler les feux rouges. Laquelle, acceptant de le conduire çà et là pour éponger sa dette, va peu à peu lui montrer qu’un avenir heureux est peut-être encore possible sans devoir se déraciner…

Le retour du «Maestro»

Réalisateu­r et musicien argentin formé en Allemagne, German Kral a à l’instar de Carlos Saura beaucoup filmé le tango, à travers notamment des documentai­res. Avec Adios Buenos Aires, il livre une fiction qui se décline sur plusieurs tableaux.

Entre Julio et Mariela se joue une histoire qui emprunte ses ressorts à la comédie romantique, tandis qu’en toile de fond il ancre son film dans une réalité économique et sociale, celle de la crise du début des années 2000. Il y greffe alors un comeback en mode Buena Vista Social Club avec le retour au premier plan d’un vieux chanteur – connu comme le «Maestro» – que Julio et ses amis musiciens ont déterré dans une maison de retraite.

Moins à l’aise lors des quelques scènes de confrontat­ion pèrefille, qui charrient leur lot de clichés autour de l’incompréhe­nsion entre les génération­s, Kral trouve une belle justesse dès qu’il laisse la mélancolie douce-amère du tango infuser son récit.

La musique illustre parfaiteme­nt les sentiments ambivalent­s qui animent Julio, qui ne sait plus si quitter un pays qui sombre dans la crise est un acte de lâcheté ou une décision salvatrice. Une musique qui est le meilleur atout d’un film qui arrive au final à doucement émouvoir. ■

Adios Buenos Aires, de German Kral (Argentine, Allemagne, 2023), avec Diego Cremonesi, Marina Bellati, Carlos Portaluppi, Mario Alarcon, 1h33.

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