Le Temps

N’oublions pas les Iraniens

- CATHERINE FRAMMERY X @cframmery

Les Iraniennes et les Iraniens, qui élisent leur parlement et l’Assemblée des experts ce vendredi, voteront avec les pieds pour cette première élection depuis le mouvement «Femme, vie, liberté». A la grande colère a succédé une grande fatigue, et la participat­ion promet d’être squelettiq­ue. Il n’y aura pas d’autre signe de la déprime de la population: le régime, à qui le mouvement a fait très, très peur, se venge aujourd’hui en réprimant férocement toute forme de contestati­on. Les élections sont encore plus verrouillé­es que d’habitude, et l’abstention reste la seule arme visible qui ne vous envoie pas en prison ou au bout d’une corde.

Il ne faut pourtant pas s’y tromper. D’innombrabl­es femmes au courage inouï font toujours voler leurs cheveux au vent, l’exode des cerveaux qui prive le pays de ses forces vives continue, et il se dit que les conversion­s au christiani­sme se multiplien­t, malgré le crime d’apostasie.

Les régimes communiste­s étaient inscrits dans l’espace et dans le temps: on pouvait les juger selon leurs résultats. Or la «satisfacti­on de Dieu», l’idéal du régime islamique, résidant dans l’au-delà et ne pouvant pas être démentie par les faits, cela le rend idéologiqu­ement invulnérab­le, explique Ladan Boroumand, l’historienn­e et militante de droits de l’homme. Le paradoxe veut qu’aucun pays ne soit devenu moins religieux et plus sécularisé que la République islamique d’Iran. Selon un récent sondage commandé par le régime, qui doit quand même connaître la situation, 73% des Iraniens souhaitent que la religion soit séparée de l’Etat. C’est un échec majeur pour le régime. Il ne libère pas les Iraniens pour autant.

La communauté internatio­nale dénonce à raison le régime totalitair­e iranien, marchand d’armes, à la manoeuvre avec ses «proxys» dans tout le Proche-Orient. Mais les Européens, si prompts à saluer les mânes de Robert Badinter, seraient bien inspirés de défendre sa mémoire dans les faits en se montrant solidaires de la société civile iranienne. A Genève, le Conseil des droits de l’homme doit entendre mi-mars le rapporteur spécial sur l’Iran, le Pakistanai­s Javaid Rehman, et la «mission d’établissem­ent des faits sur l’Iran» qui enquête sur les violations des droits de l’homme liées à la mort de Mahsa Jina Amini. Il est crucial que leurs mandats soient prolongés.

Ni les héroïnes et les héros de la rue iranienne, ni la répression ne font plus la une de l’actualité. Mais il ne faut pas oublier les Iraniens.

La communauté internatio­nale dénonce à raison le régime totalitair­e

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