Le Temps

La Cour suprême n’est pas pressée de trancher

Les neuf juges vont finalement se saisir de la question de l’immunité de Donald Trump. Mais leur lenteur laisse au candidat l’espoir de ne pas être jugé pour l’attaque du Capitole avant la présidenti­elle de novembre

- SIMON PETITE, MIAMI @simonpetit­e

XLe procès contre Donald Trump pour son rôle dans l’attaque du Capitole le 6 janvier 2021 aurait dû s’ouvrir ce lundi 4 mars, la veille du «Super Tuesday», le «super mardi» lorsque une dizaine d’Etats se prononcero­nt pour désigner le candidat républicai­n. Ce procès, pour les faits les plus graves reprochés à Donald Trump, ne se tiendra peutêtre même pas avant la présidenti­elle du 5 novembre.

La Cour suprême s’est en effet saisie mercredi soir de la question de l’immunité de l’ancien président pour des faits commis avant de quitter la Maison-Blanche. C’était attendu. Ce qui l’est moins, c’est le calendrier annoncé: les neuf juges, dont six ont été nommés par des présidents républicai­ns, dont trois par le seul Donald Trump, ont fixé l’audience la dernière semaine d’avril. Les magistrats ne sont ensuite pas tenus à un délai pour prendre leur décision mais, habituelle­ment, les arrêts sont rendus plusieurs semaines après l’audience.

«Intérêt public» à un «procès rapide»

Si les magistrats ne se pressent pas davantage, le procès pour l’assaut du Capitole pourrait ne pas s’ouvrir avant le mois de septembre et le verdict pourrait ne pas tomber avant l’élection. Dans une requête datant du 14 février, le procureur spécial Jack Smith avait plaidé en vain pour que la Cour suprême se saisisse sans attendre de ce cas. Il avait argumenté en faveur d’un «intérêt public» pour «un verdict rapide et équitable» afin que les électeurs puissent voter en connaissan­ce de cause en novembre. Les accusation­s «sont au coeur de notre démocratie», poursuivai­t le procureur, à savoir «la tentative criminelle d’un président pour renverser le résultat d’une élection et empêcher le transfert pacifique du pouvoir à son successeur».

Aux Etats-Unis, les commentair­es sont partagés, en grande partie sur des lignes partisanes, sur ce calendrier favorable à Donald Trump. Les soutiens de l’ancien président soulignent qu’il n’y a rien d’anormal à ce que les juges ne tiennent pas compte des échéances politiques. Les autres juristes rappellent que la Cour suprême avait su faire preuve de célérité. En 2000, les juges avaient tranché dès le lendemain de leur audience l’imbroglio électoral en Floride entre George W. Bush et Al Gore, assurant la présidence au premier.

Si la demande de Donald Trump était satisfaite, Jack Smith met en garde contre «la fin de l’équilibre des pouvoirs» aux Etats-Unis. Devant une cour d’appel intermédia­ire, les avocats du candidat républicai­n avaient plaidé que le président pourrait ordonner l’exécution d’opposants sans être inquiété. Selon eux, le locataire de la Maison-Blanche ne pourrait pas prendre de décision s’il était à la merci de poursuites judiciaire­s de la part de ses opposants.

Procès enlisés et menace économique

La Cour suprême devrait aussi tout prochainem­ent confirmer l’éligibilit­é de Donald Trump, après une décision de la Cour suprême du Colorado de le retirer des bulletins de vote pour avoir participé à «l’insurrecti­on» du Capitole. Les électeurs de cet Etat voteront mardi lors de la primaire républicai­ne. En attendant la décision des magistrats de Washington, Donald Trump reste éligible.

La Cour suprême avait su faire preuve de célérité lors de l’élection de George W. Bush

Selon les projection­s des instituts de sondage, le candidat pourrait avoir déjà obtenu à la mi-mars les votes et les délégués républicai­ns nécessaire­s pour être investi par son parti. Donald Trump n’aura donc été jugé dans aucune des affaires avant que tout soit joué lors de ces primaires à sens unique. Le premier procès pénal le visant s’ouvrira le 25 mars. L’accusé devra répondre d’un paiement en 2016 pour acheter le silence d’une ancienne liaison présumée, un versement qui aurait été contraire à la loi sur la transparen­ce électorale. C’est le dossier le plus faible. S’appuyant sur cette affaire, le candidat a eu beau jeu de dénoncer une «persécutio­n» judiciaire, un argument qui a fait mouche auprès des républicai­ns.

Enfin, les deux derniers procès visant Donald Trump – sur les documents secrets gardés illégaleme­nt par l’ancien président dans sa résidence de Mar-a-Lago et sur ses tentatives de changer le vote en Géorgie en 2020 – sont eux aussi enlisés. La menace la plus immédiate pour le septuagéna­ire est économique. Il a jusqu’au 25 mars pour payer une caution de 465 millions de dollars après avoir été condamné par la justice civile new-yorkaise pour avoir frauduleus­ement surévalué la valeur de ses biens immobilier­s. Une juge a refusé mercredi la propositio­n des avocats de Trump d’une caution de 100 millions de dollars, le temps que l’affaire soit tranchée en appel. En revanche, le milliardai­re, qui a manifestem­ent de la peine à réunir l’énorme somme, pourra demander des prêts auprès des banques de New York.

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