Deux Suisses au chevet de l’intégrité des élections biélorusses
A l’occasion des législatives en Biélorussie, deux Alémaniques ont été invités dimanche dernier en tant qu’observateurs à Minsk. «Un simulacre servant les intérêts de la dictature», dénonce l’opposition en exil
A l’occasion d’élections locales et parlementaires, la Biélorussie se rendait aux urnes le week-end dernier. Premier scrutin du genre depuis la reconduite (pour un sixième terme) au pouvoir d’Alexandre Loukachenko en 2020 – un vote entaché d’irrégularités et qui avait déclenché d’immenses manifestations, réprimées par 35 000 arrestations –, l’exercice n’incluait les candidats que de quatre partis approuvés par le dictateur de Minsk. Ses services ayant nié l’inscription d’une douzaine d’autres formations l’année dernière.
Toujours plus autoritaire, le président biélorusse a pour la première fois refusé que des observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) viennent rendre compte de la probité de la procédure. Ce qui, jusqu’en 2019, date des dernières élections législatives, avait toujours été le cas.
Soucieux de son image internationale, il a cependant convié quelques observateurs internationaux, relevait cette semaine le Tages-Anzeiger. Notamment le député cantonal UDC Patrik
Kretz (ZG), dont les jeunes socialistes zougois demandent désormais la démission, et son ancien camarade de parti Wilhelm Wyss.
«De tout ce que nous avons vu aujourd’hui, nous pouvons dire que tout est bien organisé, relève Patrik Kretz. Les gens se rendent aux urnes motivés et de bonne humeur.» Posté dimanche dernier, le tweet (X) en cyrillique provient du média d’Etat Belarus Today. Le politicien UDC, qui n’a pas donné suite à nos questions (son parti se contentant de répondre qu’il s’agissait d’une affaire «privée»), s’est rendu en voiture à Minsk avec deux autres Suisses: Peter Schulter, caissier russophone de l’Association d’amitié russo-suisse, et Wilhelm Wyss, secrétaire général de l’organisation.
«Des idiots utiles»
Egalement convié en tant qu’observateur, ce dernier raconte au Temps avoir été «contacté par l’ambassade biélorusse en Suisse», avec laquelle il dit «être en contact depuis longtemps». Les trois hommes, dont la présence dans les bureaux de vote a été largement photographiée, sont restés cinq jours sur place.
«Comme la presse locale l’a décrit, poursuit Wilhelm Wyss, tout s’est bien passé. Il y a même des urnes mobiles pour aller récolter les votes de ceux qui seraient incapables de se rendre aux centres électoraux pour des raisons de santé.» Quant à l’absence de scrutateurs de l’OSCE, «ce n’est pas étonnant, dit-il, sachant les positions défendues par cette institution, qui promeut une idéologie occidentale influencée par les Etats-Unis visant à diffamer la Biélorussie et la Russie». Le Bâlois, qui faisait également partie de l’UDC jusqu’à ce qu’il loue l’annexation «officielle» d’une partie de l’Ukraine par la Russie en octobre 2022, nie formellement avoir été «influencé de quelconque manière» lors de son séjour à Minsk.
Plus sceptique, Anna Krasulina, l’attachée de presse de Svetlana Tikhanovskaïa, la représentante de l’opposition biélorusse en exil, répond au Temps «ne pas comprendre ce qui motive ces personnes qui essaient de jouer le jeu de Loukachenko. Ainsi, vous justifiez simplement ses crimes contre les Biélorusses et l’Ukraine. Le régime utilise ces «observateurs internationaux» comme des idiots utiles. Cela n’a rien à voir ni avec de l’observation, ni avec les élections.»
A la clôture des urnes, l’ONG biélorusse Viasna, dont le fondateur et titulaire du Prix Nobel de la paix Ales Bialiatski est emprisonné depuis 2021, a qualifié les élections de «simulacre», un terme également avancé par l’administration américaine. Plus mesuré, le DFAE souligne s’être «exprimé dans les enceintes internationales (OSCE) pour regretter le fait que les observateurs internationaux (ODIHR) n’aient pas pu surveiller ces élections». L’OSCE n’a jugé aucun scrutin «libre et équitable» en Biélorussie depuis 1995.
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