Le Théâtre du Jorat promet un été de rêve
Dominique A, Marthe Keller, Daniel Auteuil brûleront les planches de la «Grange sublime» à Mézières. Morceaux choisis d’une saison luxueuse
Serait-ce le Graal? Oui, cette coupe qui obsède Perceval et les preux de la Table ronde. Jeudi, en fin de matinée, Ariane Moret était chevaleresque au moment de dévoiler à la presse le nectar de son printemps, les 15 pièces qui feront, dès le 24 mai, la joie du public du Théâtre du Jorat à Mézières. La directrice de la «Grange sublime», cette arche de 933 sièges construite par le poète René Morax en 1908, peut s’enorgueillir d’un programme qui a une sacrée allure.
On s’emballe? Jugez plutôt. Le génial Christian Hecq invitera – du 24 au 26 mai – à plonger avec lui dans les abysses de Jules Verne, à bord du Nautilus. Il tiendra la barre de ce 20 000 lieues sous les mers qu’il cosigne avec sa compagne Valérie Lesort – à l’affiche aussi du Théâtre de l’Equilibre à Fribourg, les 18 et 19 mai. Dans la foulée ou presque, Daniel Auteuil susurrera des méditations vagabondes, le temps d’un concert. Ivresse encore avec l’exaltant Fantasio d’Alfred de Musset où s’enflamment huit comédiens tout frais sortis des écoles, guidés par l’ex-sociétaire de la Comédie-Française Laurent Natrella.
L’amour tout au long de l’été
Tout ou presque est à cette hauteur-là. Mathieu Amalric et Marthe Keller liront deux textes écorchés de l’auteur Antoine Jaccoud en septembre, escortés par la violoncelliste Sara Oswald. L’histoire dans (Juste) avant d’un taureau puceau et d’une vache qui porte le deuil de ses veaux. L’abattoir les guette. Ils improvisent une romance qui serre les coeurs. L’amour courra tout au long de l’été avec le chanteur Dominique A notamment, accompagné de l’Orchestre de chambre de Genève le 13 juin. A l’origine de ce mariage, Denis Maillefer, admirateur depuis toujours de l’artiste et ex-codirecteur de la Comédie de Genève – où le concert se donnera du 26 au 28 mars.
Avec Dominique A, vous fredonnerez Au revoir mon amour et vous vous direz que les jeux ne sont jamais faits. L’écrivaine et peintre veveysanne Marguerite Burnat-Provins a sautillé toute sa vie sur cette corde raide-là, celle où le soupirant est un funambule. Sous la bannière de Voix en fête, 200 choristes célébreront –
«Nous sommes heureux de renouer avec la création» ARIANE MORET, DIRECTRICE DU THÉÂTRE DU JORAT
les 14 et 15 septembre – ses poèmes sur des musiques de Céline Grandjean, Jérôme Berney, Valentin Villard.
Voir grand, mais avec modestie. Tel est le credo d’Ariane Moret. Commencés l’automne passé, les travaux de transformation et de modernisation de cette nef paysanne l’obligent à écourter la saison. La démolition de la dépendance qui jouxtait la salle a révélé la présence d’une source. Les bardes, qui n’ont que ça à faire, salueront cette fontaine féerique.
Les ingénieurs, eux, maudissent déjà ses eaux indolentes qui compliquent la construction d’une annexe qui abritera le foyer des artistes et les bureaux de l’administration.
«Nous sommes heureux de renouer avec la création», souligne Ariane Moret. Car son plaisir n’est pas seulement d’accueillir François Morel, les soeurs Camille et Julie Berthollet, Thierry Romanens dans Chapitres de la chute. Saga des Lehman Brothers
ou encore Léa Pohlhammer et sa bande dans Playlist. Il est aussi de miser sur des entreprises timbrées, celle du metteur en scène Luc Birraux et du compositeur Kevin Juillerat. Ce duo transposera dans Graals
l’aventure d’un calice qui a fait couler des rivières d’encre. Un ensemble baroque, quatre chanteurs et trois comédiens attiseront les flammes d’une partition où Henry Purcell et son King Arthur s’ourlent de musique électronique.
Symbole d’un théâtre en mouvement: orchestre et troupe répéteront à Mézières pendant un mois. La première est agendée au 17 août. Le Grand Théâtre coproduit la fresque qui sera reprise à Genève. La «Grange sublime» cavale. Le Graal invite à l’épopée.
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