Une pluie de recours s’abat sur l’extension du tram 15
Les travaux qui devaient débuter ce printemps sont suspendus à l’issue d’un recours déposé par 17 commerçants contre l’extension de la ligne, censée relier le centreville à la France voisine
X«J’ai investi dans ce magasin pour préserver les emplois de mes collaborateurs autant que le mien.» Début janvier, Mery Rumley acquiert le fonds de commerce d’une boutique de fleurs, à Plan-les-Ouates, à Genève. La raison: son activité principale, Ethenoz Fleurs à Perly, est mise en danger par l’extension du tram 15 (qui doit atteindre Saint-Julien, en France voisine). Le tracé passe en plein coeur de la commune et nécessite la fermeture de la route sur laquelle se trouve la fleuristerie. Le trafic se réduirait à une centaine de voitures quotidiennes, contre 20 000 aujourd’hui. «Cette baisse risque de me faire perdre plus de 80% de mon chiffre d’affaires», assure-t-elle.
Dix-sept recourants
Ses inquiétudes sont partagées par d’autres professionnels. Certains ont fait le choix de créer l’Association de défense des riverains et commerçants de Perly et environs (ADRCPE), notamment pour préserver le tissu économique local. Plusieurs entreprises risquent de fermer ou de ne pas trouver de repreneurs. Plus de 200 emplois directs et indirects sont ainsi menacés, selon le vice-président de l’ADRCPE, Farid Ben Slimane. En outre, plusieurs sociétés seraient amenées à assumer seules les coûts liés à la fin de leur activité.
Face à ces risques, une salve de recours a été déposée en fin d’année dernière auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF) contre les Transports publics genevois et l’Office fédéral des transports. Pas moins de 17 personnes et sociétés, dont Coop, qui exploite une station-service, veulent ainsi faire modifier le parcours actuel afin de le faire passer par Certoux et éviter «des aberrations économiques, écologiques et urbanistiques».
Travaux entamés à Saint-Julien
En attendant que la justice tranche, les travaux de ce qui devait être un trait d’union entre la France et la Suisse sont suspendus. La Confédération avait pourtant approuvé les plans et donné son accord pour lancer les chantiers au second semestre 2024. Finalement, cela ne sera pas avant début 2026, au plus tôt, car les recourants peuvent encore porter la cause devant le Tribunal fédéral.
Dans ce contexte, les autorités genevoises, comme françaises, réfléchissent à des solutions provisoires, dans l’attente de l’entrée en force de la décision. Sébastien Deshusses, responsable de la communication de l’Office cantonal des transports (OCT), dit ne pas pouvoir chiffrer précisément les conséquences économiques et en matière de mobilité de ce retard pour Genève. En France, les craintes sont plus exacerbées. «Plus le début des travaux tarde, plus les prix des devis augmentent alors que les subventions sont plafonnées», alerte Pierre-Jean Crastes, président de la Communauté de communes du Genevois (CCG).
Autre problème: les travaux ont débuté en France voisine. PierreJean
Crastes et Véronique Lecauchois, maire de Saint-Julien, défendent cette décision: «Quoi qu’il se passe de l’autre côté de la frontière, cela ne change rien pour notre territoire. Nous avons tout fait dans les règles, avec l’accord de Berne.» Précision d’importance: les deux élus français ne font que gérer une situation héritée, lors de leur prise de fonction, respectivement en 2014 et 2020. A cette date, le projet du tram accusait déjà trois ans de retard sur le délai initial.
Un retour en arrière est-il possible? Non, affirment l’OCT et les autorités de France voisine. Différents tracés ont été étudiés en amont de la procédure d’approbation des plans. Le parcours a été acté en 2012, dans le cadre du deuxième projet d’agglomération du Grand Genève. «Ce qui signifie qu’il a été travaillé bien avant cette date», souligne Pierre-Jean Crastes. «L’option la plus efficace et générant le moins d’impact a été retenue et autorisée par l’Office fédéral des transports», complète Sébastien Deshusses. Pour autant, les échanges avec les recourants vont se poursuivre. Pierre Maudet, conseiller d’Etat chargé de la Mobilité, a rencontré les représentants de l’association jeudi dans l’espoir de les convaincre de l’intérêt de ce trait d’union entre la France et la Suisse.
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«Plus le début des travaux tarde, plus les prix des devis augmentent alors que les subventions sont plafonnées» PIERRE-JEAN CRASTES, PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DU GENEVOIS