Gunvor condamné pour corruption en Equateur
Les justices suisse et américaine ont requis vendredi du négociant genevois des paiements de 86,7 millions de francs et de 374 millions de dollars pour défaut d’organisation et paiements corruptifs. La firme ne fera pas appel
C'est une peine historique pour Gunvor dans une procédure conjointe, menée par les justices suisse et américaine, dans une affaire de corruption en Equateur. Le négociant genevois, qui figure parmi les principaux marchands de pétrole au monde, doit payer plus de 660 millions de dollars aux autorités américaines et suisses. Il a été reconnu coupable d'avoir versé des pots-de-vin à des fonctionnaires équatoriens contre l'obtention de contrats. En Suisse, il est aussi reconnu coupable de défaut d'organisation, selon un communiqué du Ministère public de la Confédération (MPC) vendredi.
Cette sanction, qui figure parmi les plus importantes jamais infligées à un négociant, se compose d'une amende de 374 millions de dollars et de la confiscation de 287 millions de dollars supplémentaires, ont déclaré des procureurs fédéraux américains lors d'une audience à New York vendredi. Sur ce montant, 86,7 millions de francs (soit environ 98 millions de dollars) serviront à résoudre l'affaire suisse.
Se fondant sur des documents judiciaires provenant d'une enquête américaine, le MPC avait ouvert en juin 2021 une instruction pénale contre inconnu pour soupçons de corruption d'agents publics étrangers. En janvier 2023, l'enquête a été étendue à Gunvor.
Série d’enquêtes
L'instruction du MPC a établi qu'entre février 2013 et février 2017, des paiements corruptifs de 7,5 millions de dollars ont été effectués en faveur d'un agent public équatorien occupant une fonction dirigeante auprès de la société pétrolière étatique Petroecuador, par le biais d'anciens employés de Gunvor et d'intermédiaires. Selon le MPC, ces paiements corruptifs, dont une partie a transité par la place financière suisse, ont permis à Gunvor, et à des sociétés partenaires, de gagner des contrats pétroliers.
«Gunvor a commis des erreurs à l'époque, pour lesquelles nous sommes sincèrement désolés et que nous nous efforçons de corriger. Aujourd'hui, Gunvor dispose d'un programme de compliance à la pointe de l'industrie, que nous nous engageons à améliorer en permanence», a affirmé le négociant dans un communiqué vendredi. Le groupe admet que son programme de surveillance présentait des lacunes, lesquelles ont permis la réalisation d'actes corruptifs, notamment au Congo-Brazzaville, qui ont été résolus auprès de la justice suisse en 2019.
Cette affaire intervient alors que la justice américaine mène plusieurs enquêtes sur des négociants de pétrole et des supposés paiements illicites. Il y a une semaine, un ex-employé du groupe genevois Vitol a été reconnu coupable d'avoir corrompu des fonctionnaires mexicains et équatoriens. En décembre, Trafigura, une autre maison genevoise, a mis 127 millions de dollars de côté en vue d'une résolution d'une instruction américaine à son encontre. Le groupe est soupçonné de pratiques corruptives au Brésil il y a une décennie. Vitol a conclu un accord avec la justice américaine en 2020, et lui a versé 135 millions de dollars après avoir corrompu des fonctionnaires au Brésil, en Equateur et au Mexique.
Glencore, une autre firme suisse, a payé 1,1 milliard de dollars à la justice américaine à la suite d'accusations de pots-devin pour obtenir des contrats pendant une décennie au Nigeria, au Brésil, au Venezuela et en République démocratique du Congo. En 2022, le Serious Fraud Office britannique a d'ailleurs infligé à la firme zougoise une amende de 280 millions de livres (310 millions de dollars) pour corruption en Afrique. ■