Le Temps

Gunvor condamné pour corruption en Equateur

Les justices suisse et américaine ont requis vendredi du négociant genevois des paiements de 86,7 millions de francs et de 374 millions de dollars pour défaut d’organisati­on et paiements corruptifs. La firme ne fera pas appel

- RICHARD ÉTIENNE @rietienne

C'est une peine historique pour Gunvor dans une procédure conjointe, menée par les justices suisse et américaine, dans une affaire de corruption en Equateur. Le négociant genevois, qui figure parmi les principaux marchands de pétrole au monde, doit payer plus de 660 millions de dollars aux autorités américaine­s et suisses. Il a été reconnu coupable d'avoir versé des pots-de-vin à des fonctionna­ires équatorien­s contre l'obtention de contrats. En Suisse, il est aussi reconnu coupable de défaut d'organisati­on, selon un communiqué du Ministère public de la Confédérat­ion (MPC) vendredi.

Cette sanction, qui figure parmi les plus importante­s jamais infligées à un négociant, se compose d'une amende de 374 millions de dollars et de la confiscati­on de 287 millions de dollars supplément­aires, ont déclaré des procureurs fédéraux américains lors d'une audience à New York vendredi. Sur ce montant, 86,7 millions de francs (soit environ 98 millions de dollars) serviront à résoudre l'affaire suisse.

Se fondant sur des documents judiciaire­s provenant d'une enquête américaine, le MPC avait ouvert en juin 2021 une instructio­n pénale contre inconnu pour soupçons de corruption d'agents publics étrangers. En janvier 2023, l'enquête a été étendue à Gunvor.

Série d’enquêtes

L'instructio­n du MPC a établi qu'entre février 2013 et février 2017, des paiements corruptifs de 7,5 millions de dollars ont été effectués en faveur d'un agent public équatorien occupant une fonction dirigeante auprès de la société pétrolière étatique Petroecuad­or, par le biais d'anciens employés de Gunvor et d'intermédia­ires. Selon le MPC, ces paiements corruptifs, dont une partie a transité par la place financière suisse, ont permis à Gunvor, et à des sociétés partenaire­s, de gagner des contrats pétroliers.

«Gunvor a commis des erreurs à l'époque, pour lesquelles nous sommes sincèremen­t désolés et que nous nous efforçons de corriger. Aujourd'hui, Gunvor dispose d'un programme de compliance à la pointe de l'industrie, que nous nous engageons à améliorer en permanence», a affirmé le négociant dans un communiqué vendredi. Le groupe admet que son programme de surveillan­ce présentait des lacunes, lesquelles ont permis la réalisatio­n d'actes corruptifs, notamment au Congo-Brazzavill­e, qui ont été résolus auprès de la justice suisse en 2019.

Cette affaire intervient alors que la justice américaine mène plusieurs enquêtes sur des négociants de pétrole et des supposés paiements illicites. Il y a une semaine, un ex-employé du groupe genevois Vitol a été reconnu coupable d'avoir corrompu des fonctionna­ires mexicains et équatorien­s. En décembre, Trafigura, une autre maison genevoise, a mis 127 millions de dollars de côté en vue d'une résolution d'une instructio­n américaine à son encontre. Le groupe est soupçonné de pratiques corruptive­s au Brésil il y a une décennie. Vitol a conclu un accord avec la justice américaine en 2020, et lui a versé 135 millions de dollars après avoir corrompu des fonctionna­ires au Brésil, en Equateur et au Mexique.

Glencore, une autre firme suisse, a payé 1,1 milliard de dollars à la justice américaine à la suite d'accusation­s de pots-devin pour obtenir des contrats pendant une décennie au Nigeria, au Brésil, au Venezuela et en République démocratiq­ue du Congo. En 2022, le Serious Fraud Office britanniqu­e a d'ailleurs infligé à la firme zougoise une amende de 280 millions de livres (310 millions de dollars) pour corruption en Afrique. ■

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