Le Temps

La musique du cinéma

- Stéphane Gobbo @stephgobbo

Le cinéma est né muet et musical. Dès ses balbutieme­nts à la fin du XIXe siècle, avec soudain cette capacité de capturer le mouvement et cette promesse de conjurer la mort, son silence a été rompu par des musiciens accompagna­nt les images en direct. Ce n’est ainsi guère surprenant que le premier film sonore de l’histoire du cinéma, Le Chanteur de jazz, réalisé en 1927 par Alan Crosland, soit une comédie musicale faisant brièvement entendre la voix du protagonis­te non pas quand il parle, mais quand il chante. Ainsi naissait la comédie musicale, qui culminera plus tard avec l’avènement de la couleur et du cinémascop­e.

Parmi les genres constituti­fs de la mythologie hollywoodi­enne, la comédie musicale possède une dimension féerique qui en fait un spectacle total, là où le film noir et le western sont plus codifiés. Il n’y a que dans les films musicaux que les personnage­s peuvent soudaineme­nt se permettre de littéralem­ent sortir de l’histoire dont ils sont les héros, d’abandonner le récit le temps d’une séquence chantée et/ou dansée avant de reprendre comme si de rien n’était le cours de leur vie. Si les films musicaux sont, dès les années 1930, devenus populaires, c’est parce qu’ils incarnaien­t d’une certaine manière le rêve américain, mettant le plus souvent en scène des héros et héroïnes cherchant à échapper à leur condition, à s’élever socialemen­t ou à vivre un conte de fées en suivant une route de briques jaunes…

Du 7 au 17 mars, les Rencontres 7e Art Lausanne (R7AL) consacrent la rétrospect­ive de leur 7e édition à la comédie musicale et plus largement au film de danse. L’occasion de voir sur grand écran des classiques (West

Side Story, Les Chaussons rouges, Tous en scène), des films cultes (Grease, Flashdance, Billy Elliot) et aussi des documentai­res, comme le vertigineu­x Pina, réalisé en 3D par Wim Wenders. Une magnifique manière de célébrer la réouvertur­e de l’historique salle du Capitole.

Si le cinéma est né musical, il «est» aussi musical. Lorsqu’on cherche à décrire le montage d’un film, on ne parle pas par hasard de rythme, avec cette idée que l’enchaîneme­nt des séquences, à partir de plans qui peuvent durer quelques secondes ou de longues minutes, peut se rapprocher d’une partition. Ce que Boléro – présenté en avant-première par les R7AL – illustre de manière quasi littérale. Biopic d’Anne Fontaine consacré à Maurice Ravel, il montre un compositeu­r totalement habité par la musique, pouvant passer plusieurs mois, voire années, à réfléchir à une mélodie sans en écrire une seule note. Et lorsque enfin surgit la musique, elle fait totalement corps avec les images.

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