La musique du cinéma
Le cinéma est né muet et musical. Dès ses balbutiements à la fin du XIXe siècle, avec soudain cette capacité de capturer le mouvement et cette promesse de conjurer la mort, son silence a été rompu par des musiciens accompagnant les images en direct. Ce n’est ainsi guère surprenant que le premier film sonore de l’histoire du cinéma, Le Chanteur de jazz, réalisé en 1927 par Alan Crosland, soit une comédie musicale faisant brièvement entendre la voix du protagoniste non pas quand il parle, mais quand il chante. Ainsi naissait la comédie musicale, qui culminera plus tard avec l’avènement de la couleur et du cinémascope.
Parmi les genres constitutifs de la mythologie hollywoodienne, la comédie musicale possède une dimension féerique qui en fait un spectacle total, là où le film noir et le western sont plus codifiés. Il n’y a que dans les films musicaux que les personnages peuvent soudainement se permettre de littéralement sortir de l’histoire dont ils sont les héros, d’abandonner le récit le temps d’une séquence chantée et/ou dansée avant de reprendre comme si de rien n’était le cours de leur vie. Si les films musicaux sont, dès les années 1930, devenus populaires, c’est parce qu’ils incarnaient d’une certaine manière le rêve américain, mettant le plus souvent en scène des héros et héroïnes cherchant à échapper à leur condition, à s’élever socialement ou à vivre un conte de fées en suivant une route de briques jaunes…
Du 7 au 17 mars, les Rencontres 7e Art Lausanne (R7AL) consacrent la rétrospective de leur 7e édition à la comédie musicale et plus largement au film de danse. L’occasion de voir sur grand écran des classiques (West
Side Story, Les Chaussons rouges, Tous en scène), des films cultes (Grease, Flashdance, Billy Elliot) et aussi des documentaires, comme le vertigineux Pina, réalisé en 3D par Wim Wenders. Une magnifique manière de célébrer la réouverture de l’historique salle du Capitole.
Si le cinéma est né musical, il «est» aussi musical. Lorsqu’on cherche à décrire le montage d’un film, on ne parle pas par hasard de rythme, avec cette idée que l’enchaînement des séquences, à partir de plans qui peuvent durer quelques secondes ou de longues minutes, peut se rapprocher d’une partition. Ce que Boléro – présenté en avant-première par les R7AL – illustre de manière quasi littérale. Biopic d’Anne Fontaine consacré à Maurice Ravel, il montre un compositeur totalement habité par la musique, pouvant passer plusieurs mois, voire années, à réfléchir à une mélodie sans en écrire une seule note. Et lorsque enfin surgit la musique, elle fait totalement corps avec les images.