Le Temps

«A ce stade, ce n’est pas aux patrons d’esquisser des pistes»

Marco Taddei, responsabl­e romand de l’Union patronale suisse, réagit au succès de la 13e rente AVS dans les urnes. Le financemen­t d’un tel coup de pouce va vite devenir un enjeu majeur pour les patrons

- PROPOS RECUEILLIS PAR A. C.

La 13e rente a été largement acceptée. Que retenez-vous de cet échec pour vous? Que les Suisses ont été très sensibles au message de l’initiative: «Mieux vivre à la retraite». Simple et claire, l’initiative offre des avantages immédiats, en espèces sonnantes et trébuchant­es. La majorité du peuple a pris en compte les bénéfices de l’initiative sans tenir compte des coûts. Et la 13e rente va coûter quelque 5 milliards de francs par an.

Pourquoi la population n’a-t-elle pas été sensible à vos arguments sur les coûts? Parce qu’ils ont été peu audibles durant la campagne. Nous avons bien tenté de sensibilis­er sur le financemen­t de cette rente supplément­aire et sur ces effets collatérau­x, mais nous n’avons pas réussi à convaincre. Je pense que le contexte joue également un rôle dans ce oui. En 2016, les Suisses ont rejeté à 59,4% l’initiative populaire AVSplus. Elle proposait une hausse de 10% des rentes. Alors, nos arguments sur les coûts d’une telle hausse avaient été entendus.

Ce dimanche, la population a accepté un relèvement de 8,3% des rentes. Cela montre qu’en huit ans, la situation économique a changé. L’inflation, la perte du pouvoir d’achat et la peur de basculer dans la précarité à la retraite ont eu un effet de catalyseur.

Quelles solutions proposez-vous pour financer cette rente supplément­aire? A ce stade, ce n’est pas à nous d’esquisser des pistes. La responsabi­lité en revient à l’Union syndicale suisse. Ils doivent venir très rapidement avec des propositio­ns. Le Conseil fédéral doit également mettre l’ouvrage sur le métier et inclure ce coût additionne­l dans le projet de stabilisat­ion des finances de l’AVS qu’il doit soumettre au parlement d’ici à fin 2026. Leur réponse à cet immense défi sera très intéressan­te. Il ne sera pas évident de trouver un compromis. Une chose est néanmoins déjà certaine: la Confédérat­ion devra passer à la caisse. Reste à définir comment on financera l’entier de l’enveloppe.

«Nous sommes contre une hausse des cotisation­s salariales pour financer la 13e rente AVS»

Par un relèvement des cotisation­s salariales? A l’Union patronale suisse, nous sommes clairement opposés à une hausse des cotisation­s salariales! Un des avantages compétitif­s de l’économie suisse, c’est le coût bas du travail. De plus, l’économie a déjà consenti à un sacrifice de 2 milliards de francs avec la réforme fiscale et financemen­t de l’AVS (RFFA) en 2019. On ne peut pas venir tous les cinq ans demander aux entreprise­s de refinancer l’AVS.

L’économie devra tout de même apporter une réponse au résultat de dimanche… Evidemment. Mais nous devons en premier lieu effectuer une analyse fine du résultat avant de nous positionne­r. D’autant plus que nous sommes confrontés à un choix de type peste ou choléra. Hausse de la TVA ou des cotisation­s salariales. Nous serons consultés sur le sujet et nous examineron­s les différente­s variantes proposées. Si le choix se porte sur un financemen­t via la TVA, les Suisses devront voter sur une ponction supplément­aire. C’est l’option privilégié­e par l’Union patronale suisse. Avec le risque que le peuple refuse. Au final, nous aboutirons certaineme­nt à un compromis bien suisse consistant en un saupoudrag­e des hausses de la TVA et des cotisation­s salariales. Avec, à la clé, une petite surprise peut-être: un relèvement de l’âge de la retraite.

Cet objet vient d’être sèchement rejeté dans les urnes… Vous pensez sérieuseme­nt à revenir à la charge avec? Il faudra bien en parler. Le problème majeur des retraites, c’est le vieillisse­ment de la population. On n’y échappe pas. Dans un contexte de pénurie de maind’oeuvre, il est nécessaire de mieux intégrer les aînés sur le marché du travail. A l’économie de montrer qu’elle peut garder les travailleu­rs actifs plus longtemps. La flexibilis­ation de l’âge de la retraite – prévue dans AVS21 et en vigueur depuis le mois de janvier – est une bonne réponse au défi démographi­que. Mais ce n’est pas suffisant. Il faudra aller plus loin avec des mesures incitative­s pour que les personnes de plus de 65 ans qui le souhaitent puissent continuer à travailler et à cotiser à l’AVS.

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