«Les banques doivent avant tout rester des banques»
Face à la multiplication des défis qui l’attend, le secteur bancaire doit apporter des solutions et prouver son utilité, avance José Viñals, le président de la banque anglaise Standard Chartered
Croissance faible, tensions géopolitiques, technologie, climat: le secteur bancaire doit naviguer dans un environnement extrêmement changeant, avance José Viñals, président de Standard Chartered, le groupe bancaire anglais de plus de 80 000 personnes, très actif dans les pays émergents. La solution: revenir à l’essentiel, préconise l’économiste espagnol. Rencontre avec cet ancien du Fonds monétaire international et de la banque d’Espagne, dont il a été vice-gouverneur, alors qu’il donne une conférence ce mardi au Centre international d’études monétaires et bancaires, à Genève.
Quels défis devront relever les banques dans les années à venir selon vous? Je peux en citer six principaux: les grands changements macroéconomiques – avec une croissance plus faible dans les pays développés et des taux d’intérêt qui vont baisser et ne soutiendront plus autant les profits des banques –, les tensions géopolitiques et la montée du protectionnisme – qui poussent à réorganiser les chaînes d’approvisionnement mondiales –, les technologies, comme l’intelligence artificielle générative – qui apportent des gains d’efficacité mais aussi de nouveaux concurrents aux banques, notamment les acteurs des technologies financières (fintechs) –, les questions climatiques – qui apportent des opportunités d’investissement fantastiques mais aussi des risques de greenwashing –, enfin, la fragmentation des réglementations qui s’appliquent aux banques, sur les données, les actifs numériques ou le climat.
Quelles solutions voyez-vous? Au-delà des réflexions à mener sur leurs modèles d’affaires, les banques ont besoin de s’appuyer sur des dénominateurs communs. En résumé, les banques ne doivent pas oublier de continuer à être des banques. Même si les gens ne les aiment pas – et on peut trouver beaucoup de raisons pour cela, historiquement –, les banques devraient devenir une partie de la solution à ces défis, comme elles ont aidé durant la pandémie de covid en étant la courroie de transmission des initiatives politiques, en finançant à prix coûtant des équipements contre la pandémie, ou en accordant des moratoires aux entreprises endettées.
Mais les banques engrangent des profits record grâce aux taux d’intérêt élevés, alors que le pouvoir d’achat des individus est sous pression, qu’il est plus difficile d’obtenir un crédit pour acquérir un logement ou pour investir, dans le cas d’une entreprise. Cela donne l’impression que les banques oublient d’être des banques, comme vous l’avez formulé… Il faut se rappeler d’où l’on vient: d’une très longue période de taux d’intérêt bas, pendant laquelle les bénéfices des banques ont été extraordinairement réduits. Des gens ont obtenu des hypothèques sur vingt ans à moins de 1% d’intérêt. Cette période a duré de début 2009 à mars 2022, lorsque la Réserve fédérale a commencé à relever ses taux. Il faut aussi se souvenir que les taux ne sont pas élevés car les banques commerciales l’ont décidé. Les banques centrales ont remonté leurs taux pour lutter contre l’inflation, car celle-ci érode le pouvoir d’achat et pénalise la croissance. En tant qu’économiste et ancien banquier central, je peux vous dire que si vous laissez filer l’inflation, les conséquences sont terribles pour la société. Le prix à payer à court terme, pour éviter cela, est d’avoir des taux d’intérêt élevés. Mais cela fait seulement deux ans que c’est le cas. Les taux vont à nouveau baisser si l’inflation ralentit, comme on s’y attend aux Etats-unis, et d’autres zones géographiques suivront. Les banques ont perdu bien davantage à cause des taux bas que ce qu’elles peuvent gagner avec des taux élevés.
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«Si vous laissez filer l’inflation, les conséquences sont terribles pour la société»