Le Temps

Simon Ehammer, champion du monde en plein essor

L’Appenzello­is de 24 ans a remporté l’heptathlon des Mondiaux de Glasgow ce week-end, confirmant les belles heures de sa discipline dans le pays et inscrivant son nom à la suite de ceux de Werner Günthör, Julie Baumann et Mujinga Kambundji

- LIONEL PITTET X @lionel_pittet

Le demi-fond n'est de loin pas la discipline préférée de Simon Ehammer. Mais dimanche soir à Glasgow, il a terminé sixième d'une course de 1000 mètres avec sur le visage un sourire et dans le coeur de la fierté. Un peu, sans doute, parce qu'il venait de réaliser sa meilleure performanc­e sur la distance en 2'46''03. Mais surtout parce que cela suffisait à faire de lui le nouveau champion du monde en salle de l'heptathlon.

L'Appenzello­is de 24 ans avait annoncé avant le premier grand rendez-vous de la saison, que suivront en juin les Championna­ts d'Europe et en août les Jeux olympiques, son intention d'y décrocher «une médaille, en or si possible». Il y est parvenu avec la manière, en remportant quatre des sept épreuves au programme – 60 mètres, saut en longueur, 60 mètres haies et perche – ainsi qu'en battant son propre record de Suisse avec un total de 6418 points.

«Je suis plus que content, a-t-il déclaré après la fin de la compétitio­n. Certaines épreuves se sont très bien passées, d'autres un peu moins, mais dans l'ensemble, c'était très satisfaisa­nt. Cela me confirme que dans tout ce que je fais à l'entraîneme­nt, il y a beaucoup de bonnes choses. Maintenant, il n'y a plus qu'à pousser encore plus fort dans la même direction.» Le bonhomme est pétri d'ambition et c'est en décathlon, dix épreuves contre seulement sept pour l'heptathlon, qu'il nourrit les plus grands objectifs. Des médailles – on l'entend presque dire: «en or si possible» – aux Mondiaux en extérieur et aux Jeux olympiques. A son âge, il a donc toutes les raisons de considérer son titre mondial en salle, le quatrième de l'histoire de l'athlétisme suisse, comme une étape davantage que comme une finalité. Ce qui le distingue de ses trois prédécesse­urs.

Le premier champion du monde en salle suisse n'est autre que le lanceur de poids Werner Günthör, sacré en 1991 à Séville (Espagne) avec un jet à 21,17 mètres. Mais à cette époque, il a déjà 30 ans et, derrière lui, un titre mondial en extérieur (à Rome) et un record du monde en salle, le tout en 1987. Dans son compte rendu des Mondiaux andalous, la Neue Zürcher Zeitung ne mentionne même pas que Günthör a accompli une première historique – on semble moins fasciné par ce genre de considérat­ion à l'époque – mais relève plutôt que la concurrenc­e était faible. Tant mieux pour le colosse, dont les récents dix-sept mois d'absence en raison de soucis au dos semblent avoir été utiles, note le journal zurichois. Werner Günthör ira chercher un deuxième titre mondial en extérieur quelques mois plus tard à Tokyo, et un troisième deux ans plus tard à Stuttgart.

De Julie Baumann à Mujinga Kambundji

Aux Championna­ts du monde en salle de Toronto en 1993, le drapeau suisse flotte une nouvelle fois sur la plus haute marche du podium grâce à Julie Baumann, sacrée sur 60 mètres haies. Si la médaille d'or de Günthör était le fruit de la rencontre entre un athlète aux prédisposi­tions exceptionn­elles et un entraîneur visionnair­e, Jean-Pierre Egger, celle de cette sprinteuse consacre une trajectoir­e personnell­e très singulière. Julie Rocheteau a en effet longtemps porté les couleurs du Canada, jusqu'aux Jeux olympiques 1988, avant de changer de nationalit­é sportive en même temps que de patronyme à la suite de son mariage avec l'escrimeur Beat Baumann. Suspendue pour dopage de 1989 à 1991, elle a toujours clamé son innocence et est parvenue à signer le résultat le plus marquant de sa carrière lors des Mondiaux en salle organisés dans son pays d'origine.

Il faut alors patienter près de trente ans pour la troisième médaille d'or suisse de l'histoire des Championna­ts du monde en salle. Elle récompense Mujinga Kambundji sur 60 mètres en 2022. A ce moment, la sprinteuse bernoise a 29 ans et elle atteint son apogée sportif. Deux titres européens suivront, en extérieur la même année puis en salle en mars 2023. Cela fait longtemps déjà qu'elle incarne un athlétisme suisse conquérant, qui s'est restructur­é en profondeur en marge de l'organisati­on des Championna­t d'Europe 2014 à Zurich. Depuis, tout une génération de jeunes sans complexe affûte ses pointes dans l'idée de battre des records et de signer des résultats inédits. Simon Ehammer, bien sûr, en fait partie.

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