Au coeur de la guerre, le silence des victimes doit nous interpeller
La reconnaissance par les Nations unies des crimes sexuels commis par le Hamas dès le 7 octobre fera date. Elle ne change certes pas l'atroce réalité de celles et ceux qui l'ont subie, et pour certains la subissent encore à l'heure d'écrire ces lignes, puisque des dizaines d'otages sont encore retenus dans Gaza. Mais elle soulage ceux qui se battent pour la reconnaissance de cette réalité, ignorée ou niée au prétexte que les victimes sont israéliennes.
L'enquête qui a mené à ce rapport est unique, de bien des manières. La guerre en cours a non seulement compliqué sa réalisation, mais aussi fragilisé son indépendance, les enquêteurs de l'ONU étant soumis à de fortes pressions. Des difficultés extraordinaires pour un travail amené à se prolonger, peut-être des années.
Le silence qui hante ce document est pourtant bien plus puissant que les mots qu'on y lit. Aucun survivant ni aucune victime directe des crimes sexuels du Hamas ne s'y exprime. Beaucoup sont morts. Quant aux vivants, ils sont emmurés dans la honte, la douleur ou la peur, les enquêteurs de l'ONU relevant qu'«un petit nombre […] est actuellement pris en charge pour son traumatisme, toujours écrasant». Ce silence magistral trace une frontière nette. Celle qui délimite le monde politique du monde de l'intime. Le politique n'existe que par les mots; l'intime doit parfois recourir au mutisme pour survivre. Un jour, très bientôt espérons-le, la parole libérera ces victimes et toutes les autres. En attendant, face à l'indicible, leur silence doit parfois aussi être le nôtre.
■