Le Temps

Le National veut juguler l’antisémiti­sme importé

Les conseiller­s nationaux veulent plus de vigilance quant aux effets du racisme anti-juif sur la réputation de la Suisse. A l’unanimité, ils demandent au Conseil fédéral un rapport afin de déterminer des mesures de lutte contre l’ingérence étrangère

- FANNY SCUDERI @FannyScude­ri

XAlors que l’attaque d’un juif orthodoxe samedi à Zurich suscite un grand émoi dans tout le pays, le Conseil national a décidé hier matin de doter la Confédérat­ion de nouveaux moyens pour anticiper et contrer les effets de l’antisémiti­sme sur sa politique extérieure. Le texte, un postulat accepté à 187 voix et aucune opposition, demande au Conseil fédéral de présenter un rapport sur les mesures pour faire face aux conséquenc­es de l’augmentati­on de l’antisémiti­sme en Suisse sur sa politique extérieure.

«Les ingérences étrangères sont de plus en plus fréquentes en Europe», a souligné Nicolas Walder, élu du groupe des Vert·e·s. Il a cité les enquêtes françaises sur la possible ingérence de groupes liés à la Russie après que des tags représenta­nt des étoiles de David ont été découverts en novembre 2023 à Paris. Le Ministère français des affaires étrangères a été jusqu’à condamner le rôle d’un réseau russe dans «l’amplificat­ion artificiel­le et la primo diffusion sur les réseaux sociaux des photos des tags». Ces événements peuvent aussi se dérouler en Suisse, selon le conseiller national genevois: «Notre pays n’est ni épargné par l’antisémiti­sme, comme le rappelle la tragique agression qui a eu lieu à Zurich, ni par les ingérences étrangères.»

Il s’agit également d’anticiper les conséquenc­es d’une hausse de l’antisémiti­sme sur la réputation de la Suisse et de se prémunir contre les flux financiers qui iraient en direction de personnes antisémite­s. «Dans un pays neutre, accueillan­t les Convention­s de Genève, il est judicieux de demander un rapport offrant au parlement des informatio­ns», a-t-il encore souligné. «Nous pourrons ensuite adapter nos lois, a détaillé la socialiste Jacqueline Badran. Le service de renseignem­ent n’a actuelleme­nt pas le droit d’investigue­r secrètemen­t sur les réseaux, les forums, où des personnes antisémite­s pourraient évoluer», a-t-elle encore regretté.

Ignazio Cassis consterné

«Les ingérences étrangères sont de plus en plus fréquentes en Europe» NICOLAS WALDER, CONSEILLER NATIONAL (LES VERT·E·S/GE)

Le Conseil fédéral préconisai­t de rejeter ledit postulat. Le ministre chargé du Départemen­t des affaires étrangères, Ignazio Cassis, a en premier lieu exprimé sa «consternat­ion» après l’agression de samedi à Zurich, dont la victime a survécu à des blessures causées par une arme blanche. «Combattre l’antisémiti­sme est d’abord une mission de politique intérieure. Les aspects extérieurs sont subordonné­s», a-t-il défendu. Rien n’indique que la Suisse soit présentée comme un pays particuliè­rement antisémite, selon Ignazio Cassis, rappelant que le pays fait partie de l’Internatio­nal Holocaust Remembranc­e Alliance, une organisati­on internatio­nale qui développe la prévention et la mémoire de l’Holocauste dans l’éducation. «Cela ne signifie pas que l’antisémiti­sme n’est pas un problème», a précisé le chef des Affaires étrangères, affirmant qu’il fallait non pas un diagnostic, comme le suggère le postulat, mais des mesures supplément­aires: il a appelé les élus à accepter jeudi une motion prévoyant la création d’une stratégie et d’un plan de prévention contre l’antisémiti­sme et le racisme. ■

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