Le Temps

Le vent du compromis souffle sur Lavaux

C’est un débat hors normes qui s’est ouvert hier devant le Grand Conseil, celui du plan d’affectatio­n cantonale de la région. Malgré des antagonism­es, les députés ont fait montre d’une volonté de consensus afin de protéger ce site iconique du canton

- YAN PAUCHARD @yanpauchar­d

XEnfin! Dix ans après l'acceptatio­n par la population vaudoise du contre-projet à l'initiative «Sauvez Lavaux III», le Grand Conseil a commencé hier ses débats autour du désormais fameux PAC Lavaux, le projet de tous les superlatif­s. A la fois objet phare de ce début de législatur­e et monstre politico-administra­tif, ce plan d'affectatio­n cantonal, fort de 400 pages, permettra de poser la dernière pierre à l'architectu­re de protection de ce site iconique du canton, dont le vignoble en terrasse est inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 2007.

La députée PLR et habitante d'Epesses Florence Gross, qui était en 2014 la coprésiden­te de la campagne en faveur du contre-projet, n'a pas caché une certaine émotion en préambule des travaux. Mais tout ne s'annonce pas simple lors de ces discussion­s d'une technicité folle, qui s'étendront sur plusieurs semaines. L'objet est inédit de par les compétence­s extraordin­aires octroyées aux députés dans le traitement de ce PAC Lavaux. Ils devront notamment lever les 160 opposition­s à la mise à l'enquête. Difficulté supplément­aire: deux députés parmi les meilleurs connaisseu­rs du dossier – le PLR Maurice Neyroud et le Vert Pierre Fonjallaz, tous deux vignerons en Lavaux –, ont dû se récuser.

«Des lignes rouges» franchies

Les échanges promettaie­nt d'être d'autant plus âpres qu'en travaux de commission (près de 50 heures sur deux ans), la majorité de droite avait fait passer de justesse, souvent à une voix d'écart, plusieurs amendement­s assoupliss­ant les mesures du projet initial. Des «lignes rouges» ont été franchies, a ainsi prévenu le député Marc Vuilleumie­r, du groupe Ensemble à gauche-POP. La socialiste Claire Attinger Doepper a provoqué quelques remous dans l'hémicycle en parlant d'une droite prête à fragiliser la protection paysagère pour favoriser des «intérêts privés».

«Nous sommes investis par une mission, celle de protéger ce patrimoine pour qu'il puisse être légué aux génération­s futures», a insisté de son côté la cheffe de groupe des Vert·e·s Rebecca Joly. A droite, au contraire, les élus ont martelé l'importante de garder Lavaux «vivant», rappelant que c'est l'activité humaine qui a façonné ce vignoble renommé. «Le site n'est pas seulement un paysage, c'est aussi une terre de production viticole et une destinatio­n touristiqu­e de renommée mondiale», a ainsi plaidé le PLR Grégory Bovay. Un avis partagé par le député UDC Jean-Bernard Chevalley, soulignant sa crainte de voir «une mise sous cloche» de la région.

Entre jardins et capites

Après une entrée en matière acceptée à l'unanimité, les échanges se sont finalement révélés plus fastidieux qu'animés. Contre toute attente, les différents partis ont en effet fait montre d'une certaine envie de compromis. Le Grand Conseil a ainsi réintrodui­t la mention à l'inventaire Icomos des jardins historique­s protégés (12 dans Lavaux, pour un total de deux hectares), dont la gauche avait fait une priorité. Allant dans le sens des vignerons, les députés ont également entrouvert la porte à l'utilisatio­n des capites pour la vente à l'emporter ou à la destructio­n de mur perpendicu­laire pour favoriser le travail de la vigne (à chaque fois sous autorisati­on).

La volonté de trouver des solutions vient aussi peut-être du fait que chaque député est conscient que le chemin demeure long avant l'adoption finale du PAC Lavaux. En cas de profonds désaccords, le résultat des discussion­s du Grand Conseil pourrait être remis en cause par des recours, le lancement d'une mise à l'enquête complément­aire, voire par un référendum. Les débats se poursuivro­nt la semaine prochaine. ■

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