Les taux de la BCE ne devraient pas bouger
La Banque centrale européenne devrait garder ses taux d’intérêt inchangés lors de sa réunion de demain. Le ralentissement des économies de la zone euro met cependant la pression sur l’institut
Malgré la décélération de l’inflation observée dans la zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) devrait maintenir demain ses taux directeurs inchangés lors de la réunion du Conseil des gouverneurs, son principal organe de décision. Après avoir atteint un pic de plus de 10% en octobre 2022, en raison notamment de la flambée des prix de l’énergie, la hausse des prix a ralenti à 2,6% en février sur un an, selon les chiffres publiés vendredi par Eurostat.
«La désinflation s’est poursuivie dans la région, mais de la même manière qu’ailleurs – à un rythme plus lent que prévu», commentent les experts du spécialiste en investissements Muzinich, tout en rappelant que la BCE vise à long terme une inflation de 2%. L’institut piloté par la Française Christine Lagarde attribue ce reflux progressif des prix à sa campagne de resserrement monétaire. Celle-ci a été menée pour maîtriser la flambée des tarifs causée par l’invasion russe en Ukraine mais également la pandémie. A partir de juillet 2022, la BCE a remonté ses taux dix fois d’affilée et réalisé une première pause en octobre 2023. Actuellement, son principal taux d’intérêt, celui sur les dépôts, s’inscrit à un niveau historique de 4%.
«La probabilité que la Banque centrale européenne baisse ou monte ses taux demain est proche de zéro. Attendre et observer demeure le précepte de la BCE pour sa prochaine réunion, ainsi que pour celle d’avril», estime Kevin Thozet, membre du comité d’investissement de Carmignac. En outre, certains investisseurs apprécient que la BCE ne se précipite pas, car les risques d’un abaissement intervenant trop tôt ne peuvent pas être écartés, souligne pour sa part John Plassard, spécialiste en investissement de la banque Mirabaud.
«Attendre et observer demeure le précepte de la BCE pour sa prochaine réunion» KEVIN THOZET, MEMBRE DU COMITÉ D’INVESTISSEMENT DE CARMIGNAC
Des économies européennes en berne
Si la politique de resserrement menée par les grandes banques nationales a permis un ralentissement de l’inflation et une atténuation de la crise du coût de la vie, les économies nationales de la zone euro stagnent actuellement. Avec la hausse des taux, il est devenu plus coûteux d’emprunter de l’argent, que ce soit pour les particuliers ou les entreprises, et par conséquent la demande globale a nettement ralenti.
La zone euro a ainsi enregistré en 2023 une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 0,5% contre par exemple 1,3% en Suisse et 2,5% aux Etats-Unis. L’économie allemande, la plus importante du Vieux-Continent, s’est pour sa part contractée de 0,3% l’année dernière, faisant nettement moins bien que la France ou l’Espagne. Le pays dirigé par Olaf Scholz a en particulier souffert du bond des prix de l’énergie et d’un secteur industriel ayant vu ses exportations se contracter nettement. Il y a deux semaines, Berlin a en outre revu à la baisse ses ambitions pour 2024: une croissance du PIB de 0,2% est attendue et non 1,3% comme annoncé auparavant. Un commerce international historiquement bas, une diminution de la consommation des ménages et un secteur en construction en panne expliquent cette révision.
Dans ce contexte de croissance anémique des économies européennes, de nombreux économistes espèrent que la BCE entamera une baisse des taux à partir de juin afin de relancer la demande. Et même si les gardiens de l’euro devraient maintenir demain leur politique monétaire inchangée, la réunion sera suivie avec beaucoup d’attention: les marchés seront à l’affût d’indications sur le calendrier de la première réduction des taux et ils suivront attentivement les prévisions macroéconomiques de l’institut d’émission.
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